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La littérature orale


II-                I-  Introduction 
III-              
La littérature donne plusieurs définitions de la tradition orale selon l’opinion et l’origine de l’auteur (histoire, sociologie, linguistique, anthropologie, philosophie etc.). Globalement, ces définitions, toutes approximatives, mettent en valeur la transmission orale de la mémoire collective propre aux sociétés traditionnelles (par opposition à la transmission écrite propre au monde moderne).
 En voici quelques unes :
a)      « La tradition orale est l’ensemble de tous les types de témoignage transmis verbalement par un peuple sur son passé. »
b)      « La littérature orale peut se définir  par un ensemble de récits et de chants anonymes transmis oralement, variables dans leur fonds mais pas dans le contenu. »
c)      La littérature orale parlée par essence est l’ensemble de tout ce qui a été dit, généralement de façon esthétique par voie orale, des valeurs sociales d’un peuple et qui touche la société entière dans tous ses aspects. »
d)      « Récits de fiction semi- fixés, transmis oralement, variable dans leur forme mais dans le fonds. »

Est-ce à dire que toute société traditionnelle est orale et toute société moderne, écrite ?

1) Se méfier des idées- reçues :
a) L’oralité et l’écriture ne sont pas systématiquement opposées : les deux formes coexistent dans toutes les sociétés.
b) L’oralité n’est pas un art mineur : il convient de distinguer le « parlé » de « l’oral ».
c) L’oralité n’est pas une culture par défaut : Ce n’est pas par manque d’écriture que les Africains ont privilégié la culture orale, c’est parce que celle- ci correspondait le mieux à leurs besoins et à leur mode de vie.

2) Problématique :
 C’est essentiellement par la parole que l’Afrique a crée et transmis son fonds historique et culturel. Comment se crée- t- il, ce patrimoine oral ? Par quels mécanismes se transmet- il ?
Pour répondre à ces questions, nous devons d’abord nous demander dans quel contexte a fonctionné l’imaginaire africain.
a)     Le contexte historique de l’oralité :
L’Afrique, contrairement à certains préjugés n’a jamais été un monde sans écriture. Elle a inventé des systèmes graphiques originaux et très anciens, encore en usage dans certaines contrées. Citons pour l’exemple les écritures : vaï, obéri, okaime et nko. En plus de ces graphies autochtones, elle a su très vite emprunter et à adapter à ses langues, les alphabets arabe et latin :
-         Les populations sahéliennes très tôt au contact des Arabes et surtout des Berbères islamisés (les Almoravides) ont modifié l’alphabet arabe pour l’adapter à la phonétique de leurs langues : c’est l’alphabet adjami. Cet alphabet a produit de très beaux manuscrits (histoire, droit, théologie, poésie, récits etc.) en peul, malinké, soninké et haoussa notamment. Les bibliothèques de Tombouctou, de Djenné, de Timbo ou de Hamdallaye étaient particulièrement impressionnantes.
-         Dans les zones d’influence chrétienne (Afrique du Sud, Sud du Nigeria, Ouganda, Kenya etc.), les nouveaux baptisés ont fait de même pour pouvoir écrire le zoulou, le yoruba, l’ibo ou le kikuyu en caractères latins. Cela a non seulement donné de merveilleuses traductions de la Bible mais aussi de la poésie et de belles épopées comme le très célèbre Chaka de Thomas Mfolo (écrit en langue sesotho). L’homme qui marchait vers le soleil levant en 1907. Chaka en 1926 traduit par Gallimard en 1940.
-         Mais endogène ou exogène, l’écriture n’a jamais constitué l’axe principal de l’expression culturelle. La culture africaine reste essentiellement orale.
b)    Le contexte social de l’oralité :
L’Afrique traditionnelle est rurale. Le cadre physique : le village. Le cadre social : la famille, le clan, la tribu. L’espace est restreint sur le plan géographique comme sur le plan humain. Les liens affectifs sont forts, basés sur la consanguinité et la solidarité de clan. Les élans individuels sont réduits au minimum pour favoriser l’expression du groupe. L’ancêtre constitue la référence absolue : il est le pourvoyeur de la salive et du sang, symboles de la vie (vie biologique=le sang et vie culturelle=salive c’est- à- dire la parole). Le sang fonde le lignage ; la parole, la mémoire collective : ce sont les deux ciments de la société. Ils sont les garants de la cohésion du groupe, les marques  de son identité.
Perçu comme un quasi- dieu, cet ancêtre est un mythe, le mythe fondateur du clan.

II-              3) Les mythes fondateurs :

1)     Notion de mythe :
 C’est un récit fabuleux qui tente d’expliquer la fondation des principes et des valeurs d’une société. Il repose sur les deux questions qui sont à l’origine de toutes les civilisations humaines :
-qui a crée le monde ?
-quelle est la place de l’Homme dans ce monde ?
Salluste, historien latin a une très belle définition du mythe : « c’est la relation d’un évènement qui n’a jamais eu lieu à propos d’une chose qui existe depuis toujours. »
Quelques mythes célèbres :
-L’Iliade
-L’odyssée
-Ndjeddo Ndewal, conte initiatique peul
-Soundjata, mythe mandingue racontant la naissance de l’empire du Mali.
2) Les mythes africains :
Le professeur Lilyan Kesteloot les classe en trois catégories :
a)     les grands mythes cosmogoniques :
Dans ce cours, nous étudierons principalement les cosmogonies peule, bambara, dogon, yoruba et fang.
b)    les mythes fondateurs des villages et des empires :
L’épopée de Soundjata par exemple.
c)     les mythes religieux liés au culte précis d’un génie ou d’une divinité.
Le mythe de Koumen ou de Kaïdara par exemple.
     4) La naissance du monde :
 a) Chez les Peuls :
 a-1) Qu’est- ce qu’un Peul ?
          Les Peuls sont un peuple de nomades dispersés dans une vaste zone allant de la Mauritanie au lac Tchad. On les retrouve dans des pays aussi différents que le Sénégal, le Nigeria, le Cameroun, le Centrafrique, le Soudan etc. Avec les Mandingues, les Haoussas et les Akans, ils constituent l’une des principales ethnies de l’Afrique de l’Ouest. On les estime aujourd’hui à près de trente millions de personnes repartis dans plus d une quinzaine  de pays
           Les Peuls sont un peuple de bergers. Tout chez le Peul tourne autour de la vache et du lait : le mode de vie, l’Histoire, la religion, la culture etc. « Le Peul est le parasite du bœuf », disait Gilbert Vieillard, un administrateur colonial français qui les a beaucoup fréquentés.
a-2) Un peuple aux origines douteuses :
         D’où vient le Peul ?
      La question reste non résolue encore aujourd’hui malgré les nombreuses hypothèses que fournit la littérature. Ce peuple singulier, éleveur parmi des agriculteurs et nomade parmi des sédentaires reste une énigme Une énigme qui a intrigué aussi bien les voyageurs arabes que les explorateurs européens qui ont tous tenté de retrouver leur mystérieuse origine.
      Les théories les plus fantaisistes ont été émises. On les a fait venir tour à tour de la Gaule, de Rome, de la Perse, de l’Inde etc. L’hypothèse la plus vraisemblable (elle réunit en tout cas, de nombreux auteurs africains et occidentaux) avance que les Peuls seraient issus d’un lointain brassage de Noirs et de Sémitiques.
      En Haute- Egypte avec les Hébreux ? Au Sahara, avec les Berbères ? Sur les bords de la Méditerranée avec les Phéniciens ?...
      Une légende peule rapportée par Hampâté Ba dit que les Peuls seraient nés au bord d’un grand fleuve appelé Millia (Nil ?) non loin d’une mer appelée la mer de la Félicité (Mer Rouge ?) d’un père hébreux (Bouïtôring) et d’une mère noire (Badioumangou). En tout cas, il est surprenant de voir :
-que certains noms peuls (Ba, Ka, Kane, Ly, So) évoquent l’Egypte
 ancienne.
-qu’encore aujourd’hui, les Peuls (du moins ceux d’entre eux qui n’ont pas subi l’acculturation musulmane) possèdent l’étoile de David.
a-3) Comment Guéno a crée le monde ?
Les peuls disent :
« Tout au début, Guéno seul existait. Comment ? Cela ne nous regarde pas. Il nous suffit de savoir que Guéno contient tout en lui. Il peut se manifester sous des aspects multiples. »
Et puis, un jour, Guéno voulut que l’univers fût. Il recueillit une goutte de lait de son flanc. Après une série compliquée de filtrages et de centrifugations, il obtint la terre, le ciel, les étoiles, les planètes etc. il donna à Ciel un  principe masculin et à Terre un principe féminin. Ciel devint époux et Terre, épouse.
 Leur union engendra l’animal, le minéral et le végétal. Guéno contempla son œuvre puis il créa les 11 forces fondamentales parmi lesquelles l’Homme occupe la position médiane : la pierre, le fer, le feu, l’eau, l’air, l’homme, l’ivresse, le sommeil, les soucis, la mort, la résurrection. Chacune de ces forces a la propriété de détruire celle dont elle est issue ou d’ en triompher : la pierre est fendue par le fer, le fer est fondu par le feu, le feu est éteint par l’eau, l’eau est asséchée par l’air, l’homme peut triompher du vent (il est le seul des animaux à marcher contre le vent), l’ivresse anéantit l’homme, le sommeil a raison de l’ ivresse, les soucis font disparaître le sommeil ; à son tour, la mort tue le sommeil et la résurrection triomphe de la mort.
Toutes ces forces sont constitutives de la nature de l’Homme   qui occupe, comme on le voit la 6ème position : entre 5 forces matérielles et 5 forces immatérielles.
Après ces 11 forces fondamentales, Guéno créa « Ndurbélé », la vache hermaphrodite qui donna naissance aux premiers 22 bovidés qui sortirent de l’eau avec Tyanaba, le génie- serpent, propriétaire des bovidés et frère- jumeau de Ilo, considéré comme le premier berger.
Ilo et Tyanaba sont célébrés à l’occasion du lôtôri, le nouvel an peul. La date du lôtôri est fonction du calendrier lunaire dont les mois comptent 28 jours correspondants aux 28 divinités du panthéon peul.
a-4) Le panthéon peul :
Le panthéon peul compte 28 divinités (une pour chaque jour du mois).
Quelques divinités peules :
Koumen : dieu des pâturages
Forforordou (épouse de Koumen) : déesse du lait
Kaïdara : dieu de la connaissance.
Kettiol : Dieu de la verdure
Inna Bassal (mère de la calamité) : déesse du mal

b)    6) Les Yorubas :
a-1) Ils constituent l’un des grands groupes ethniques du continent africain (on les estime a 30 millions de personnes). On les retrouve essentiellement au Nigéria (régions de Lagos et d’Ibadan), au Bénin et au Togo où ils pratiquent l’agriculture et le commerce. Les Yorubas ont très tôt adopté un mode de vie urbaine. Anciennement, comme les Grecs, ils étaient organisés en cités- états. La religion yoruba est la seule de toutes les religions africaines à avoir survécu dans les Amériques (Brésil, Haïti, Cuba et USA notamment). C’est vrai que le peuple yoruba a payé un très lourd tribut à l’Esclavage.
a-2) Cosmogonie Yoruba :
La religion yoruba est organisée comme les différentes couches de l’oignon. Le plus spirituel et le plus ancien se trouve au centre.
La naissance du monde :
Au tout début, il n’y avait que le royaume d’Olorum occupé seulement par Ashe, la force créatrice.
Un jour, Ashe, la force créatrice, commença à penser. Elle pensa si fort qu’elle devint Olodumare, le dieu suprême des Yorubas. Aussitôt, Olodumare pensa à la matière et la matière fut. Olodumare est mâle et la matière, femelle selon le principe yoruba qui veut que quand un mâle pense, il produise une femelle et vice- versa. Le nom de cette matière pensante est Nana Baruku, l’aïeule de toutes les divinités.
Nana Baruku donna Mawa et Lissa. Qui sont respectivement l’oeuf cosmique et la semence qui le fertilise. Cet œuf cosmique est à l’origine de tout le reste.
Nana Baruku, Mawa et Lissa sont considérées comme les premières divinités. 1001 autre divinités toutes sorties de l’eouf cosmique vont se joindre à eux pour constituer Irunmole.
Un jour, Irunmole décida de l’expansion de l’Univers. Il se présenta à Olodumare pour en demander l’autorisation. Celui- ci donna son accord à condition que l’Univers soit ficelé. Oshumare (le dieu des arts) proposa de prêter sa queue, l’arc- en- ciel. Et c’est depuis ce jour- là que l’arc- en –ciel est la corde qui retient l’Univers.
Après cela, Irunmole créa les orishas. Le monde des Orishas s’appelle Egun Eggungunand.
A leur tour, les Orishas créèrent le monde, et les petits orishas (Oshipa, Orun, orisa Oko, Dada, Iroko, Obi, et 1001 autres.
Le premier homme est une femme : Ayizan . c’est elle qui crée tous les autres humains.

7) Les Dogons :
Les dogons sont une des populations les plus anciennes d’Afrique noire et certainement l’une des plus mystérieuses.
Les dogons sont originaires du Mandé, ils quittèrent cette contrée entre le XIe et le XIIe siècle, c’est le refus de se convertir à l’islam qui provoqua leurs migrations vers une région montagneuse du Mali appelée " falaises de Bandiagara".

La langue parlée par les dogons est le dogon qui se subdivise en 15 dialectes (non inter compréhensibles) de type voltaïque avec de nombreuses variantes dialectales selon les villages. Les dogons sont des cultivateurs de mil, de sorgho et de riz ainsi que de quelques autres légumes. Ils sont éleveurs de petit bétail (vaches, chèvres et surtout des moutons).

Les dogons représentent 3% de la population du Mali, en 1990 elle a été estimée à 360 000 âmes réparties en de nombreux villages. Ces villages sont accrochés aux falaises, refuges naturels contre les ennemis. Les dogons détiennent de nombreuses formes de littérature orale. La famille étendue ou « ginna », se compose de tous les descendants d’un même ancêtre en ligne masculine. Chaque ginna possède collectivement un ensemble de maisons et de champs dont la propriété est inaliénable. C’est l’homme le plus âgé qui gère les biens et qui habite la grande maison symbole de la lignée. La femme appartient au ginna de son mari et l’enfant à celui de son père. La société dogon est formée de groupes sociaux, opposés mais complémentaires. Les initiés et les non-initiés, les hommes et les femmes, les groupes d’âges, des cultivateurs et les gens dits « castés ». Les classes d’âge sont composées de garçons ayant subi ensemble la circoncision et qui, de ce fait sont tenus de s’entraider pendant toute leur vie. Les différentes castes dogons sont : les artisans du fer, du bois, du cuir et les griots. Les relations sexuelles avec les membres du groupe des cultivateurs leur sont interdites.

b-1) La mythologie dogon

Selon la mythologie dogon amma dieu suprême, créa la terre et en fit son épouse. Une termitière, clitoris de la terre, se dressa en rivale du sexe mâle, et Amma dut l’abattre. Un fils unique naquit, Yurugu ou le Renard pâle. La terre excisée fut plus docile à son époux et mit au monde le Nommo, à la fois mâle et femelle, couple idéal, maître de l’eau et de la parole. Le Renard pâle, unique et donc imparfait, principe de désordre, commit l’inceste avec sa mère parce qu’il ne trouvait pas de compagne, et c’est alors qu’apparut le sang menstruel, impur parce que signe de stérilité. Errant sans cesse à la recherche d’une épouse, il ne connaît que la première parole, celle qu’il révèle aux devins. Amma façonna avec de l’argile un couple humain, qui devait donner naissance aux huit ancêtres. Nommo leur enseigna la parole, liée à l’humidité, ainsi qu’au tissage car elle est faite de questions et de réponses entrelacées.
b-2) LES DOGONS
Peuple du Mali, habitant près de la boucle sud-ouest du fleuve Niger, autour des fameuses falaises de Bandiagara. L’origine des Dogons repose sur une migration ancienne pour laquelle deux hypothèses sont avancées : une fuite sous la pressions des Almoravides (XIe siècle), une migration depuis le centre de l’Empire Keita (au XIIIe et XIVe siècles)(1). En arrivant à Bandiagara, les Dogons trouvent et chassent les Kouroumba, peuple qu’ils appellent les Tellem dans leur mythologie. L’habitat le long de ces falaises n’a pas empêché les Dogons de subir la pression de peuples voisins, les Songhaïs, les Banmanas, les Fulbes, les Toucouleurs et enfin… les coloniaux français.
L’école d’ethnologie française, dirigée par Marcel Griaule, se passionne pour ce peuple d’agriculteurs dont les traditions révèlent une culture complexe. Toute une génération d’ethnologues et d’écrivains se forme dans le sillage de Griaule au cours de plusieurs missions : Germaine Dieterlen, Denise Paume, Solange de Ganay, André Schaeffner ou encore Michel Leiris (2). Les ethnologues, aidés de leurs informateurs, recueillent des mythes auprès des vieux sages, assistent à des sorties de masques, etc. Ces observations donneront lieu à de nombreuses publications scientifiques, et à la diffusion de reproductions de masques et de mythes romancés auprès du grand public.
Aujourd’hui, le territoire dogon, appelé “pays dogon”, demeure un site exceptionnel, habité par des êtres dont les traditions et les masques fascinent, mais il est aussi devenu une destination touristique de premier ordre et une sorte d’utopie folklorique (3).
Je suis du reste passé en pays dogon, lors d’un merveilleux voyage au Mali en aout 1997.
b-3) SOURCES / DATATION ET CONTEXTUALISATION
Cette cosmologie est principalement basée sur une sélection raisonnée de travaux de Marcel Griaule (1898-1956).
Il convient de distinguer deux périodes de collectes d’informations et de publications chez Griaule : 1/ Les années 1930, avec Masques Dogons qui demeure un ouvrage de référence. 2/ Les années 1950, avec Dieu d’eau et Le Renard pâle. Ces deux derniers ouvrages sont basés sur des entretiens réalisés avec un vieux sage Dogon appelé Ogotemmêli. Cette dernière période a été critiquée par les exégèses d’anthropologues modernes (voir retour sur la critique des anthropologues).
• Source principale : Masques Dogons (1938). Au début de cet ouvrage consacré à la symbolique et l’usage des masques, de précieuses informations sur la cosmogonie, la structure et la description du système du monde sont présentées. Ces informations correspondent à une enquête de terrain menées au début des années 1930. Il ne contient que très peu d’informations sur les astres et l’observation du ciel.
• Source secondaire : Le Renard pâle (1965). Les mythes ont été collectés au cours d’une enquête qui remonte à 1954. Le Renard pâle est avant tout un très long exposé cosmogonique qui contient de nombreux mythes relatifs aux astres. Mais ces informations sont à prendre avec précaution. Il est possible de les utiliser à condition de mentionner leurs critiques.
En revanche, j’ai exclu le fameux Dieu d’eau : non seulement la source du livre est la même que Renard Pâle (les entretien avec Ogotemmêli, le recours aux mêmes informateurs et traducteurs), mais en plus les informations recueillies sont romancées, donc déformées par un dispositif littéraire qui sort du champ d’étude anthropologique approprié pour ce genre d’étude.
• Autre source : L’éclairage et la critique des anthropologues modernes
A partir des années 1970, des anthropologues passent au crible l’œuvre de Griaule, ils lui reprochent de ne pas maîtriser la langue du peuple étudié, de passer par des traducteurs (Ambara et Amadingué) dont la fiabilité serait douteuse, de recourir à des méthodes “judiciaire” et “militaire”, de trop s’intéresser à la numérologie et au symbolisme. Pour Walter van Beek, l’auteur le plus critique, les entretiens d’Ogotemmêli sont une “fiction interculturelle” (4).
Pour mieux comprendre ces travaux, rappelons plusieurs points importants de contextualisation :
- Marcel Griaule est un homme de son temps, une époque où l’Afrique est marquée par le phénomène colonial.
- L’ethnologue français avait un “projet” visant à réhabiliter la culture africaine. Dans la revue Psyché en 1947, il écrit : “Il convient de dire à l’Européen, comme à l’Américain, que les temps sont révolus où ils pouvaient se croire les rois du monde et où ils tenaient dans une affection condescendante ou dans un mépris souverain les peuples conquis en vertu du droit du plus civilisé, du plus fort.” (5).
- L’ethnologie est devenue anthropologie. Les sciences humaines évoluent au gré des époques et des idéologies, l’analyse du fait social a remplacé l’étude du champ religieux et du symbolique, au point que les anthropologues des années 1970-80-90 se sont désintéressés des cosmologies traditionnelles. Mais depuis quelques temps, l’étude du religieux revient sous d’autres formes, etc.
• Le problème de la récupération par des ufologues 
Malheureusement, les informations concernant Sirius et le mythe de l’arche du Nommo ont été récupérées par des ufologues (6) peu soucieux de méthodes scientifiques, semant davantage le trouble dans cette compréhension de l’œuvre de Griaule. Ces interprétations n’ont pas lieu d’être dans la présentation de l’observation du ciel chez les Dogons.

b-4) QUELQUES CARACTERISTIQUES
• Une tradition orale
Cette cosmologie est une tradition orale rapportée par des anthropologues aidés de traducteurs/informateurs. Comme dans de nombreux autres contextes culturels où ce genre de méthode est utilisée, il ne faut pas chercher de tradition “authentique”, “vraie”, mais disons que cette vision du monde “tend” à rendre compte d’une tradition.  De plus, cette tradition mélange des mythes et des observations concrètes de l’environnement, notamment des phénomènes célestes et des mouvements des astres. Les informations qui résultent de ce mélange peuvent paraître fantaisistes, contradictoires aux yeux de la logique moderne, mais elles relèvent d’un mode de transmission opératoire qui est fréquent lorsqu’on décortique des cosmologies dites “traditionnelles” : il se caractérise par le “bricolage” (7).
• Un savoir réservé à quelques individus : les Hogons
Ce n’est pas la vision d’un peuple dont il est question mais celle d’un groupe d’individus, en l’occurrence les Hogons, hauts dignitaires religieux, vieux sages, membres de confréries initiatiques fermées, gardiens des traditions.
• Des influences exogènes
Les cosmologies “bricolent” des savoirs complexes en superposant des informations issues de divers registres mais aussi diverses sources, certaines sont liées à une tradition transmise dans la communauté, d’autres sont des emprunts réalisés à d’autres cosmologies, en l’occurrence souvent issues de cultures dominantes ou omniprésentes. On peut ainsi parler de phénomènes d’acculturation.
Chez les Dogons, on suppose des influences extérieures plurielles :
- La cosmologie musulmane : Comme dans de nombreuses cosmologies subsahariennes (comme les Banman ou les Fulbe voisins), la cosmologie musulmane a influencé les cosmologies traditionnelles (8). Quelques indices vont dans ce sens : le nombre de ciels (importance du chiffre 7), le modèle en étages correspondent au “Récit de l’échelle de Mahomet” (9).
- Le récit de la Genèse : La cosmogonie dogon de Masques dogons mentionne des éléments qui évoquent la Genèse :  une creation ex-nihilo, un premier couple humain (Adama et Awa) (10), etc.
- Des échanges avec des missionnaires : des échanges sont attestés au début des années 1930 à Sanga. Il est donc est posible que des missionnaires aient pu transmettre des informations relatives au ciel aux Dogons (11), des éléments totalement absents des périodes d’investigation d’avant-guerre : Sirius et ses compagnons, les satellites de Jupiter, le motif en spirale des mondes, etc.
- Des traditions d’ethnies proches : certains mythes dogons sont des emprunts à des mythes d’ethnies voisines, comme les Mossis, les Bozos, les Songhaïs. Ces histoires peuvent être racontées en public, on les appelle êwênê (12). La trace de ces emprunts peut s’accentuer selon les informateurs.
L’accumulation de races d’emprunts à des récits étrangers mettent à mal la prétendue authenticité des mythes dogons.
B-5) COSMOGONIE
Chez les dongons le cycle utilisé est 60 ans et donne lieux aux cérémonies du Sugui qu dure 7 années et qui signifie Renouvellement du monde.
Le dernier Sigui authentique a eu lieu entre 1967 et 1973 ce qui ramène à 2027 le prochain Sigui.
Les mythes qui racontent la création du monde contiennent souvent des informations sur la terre, le ciel, les astres, etc. Chez les Dogons, le récit cosmogonique  occupe une place très importante dans la mythologie rapportée par l’école française d’ethnologie. Marcel Griaule et Germaine Dieterlen en décrivent les étapes dans des centaines de pages, dont certaines sont particulièrement ésotériques. Entre Masques Dogons et Le Renard pâle, on remarque deux cosmogonies apparemment très différentes, le récit d’avant guerre est sommaire tandis que celui d’après-guerre est long et d’une grande complexité. Dans Le Renard pâle de nombreux détails sont donnés sur les astres, Sirius et ses compagnons, etc.
Pour le mythe cosmogonique, en tant que récit, nous proposons de nous limiter au mythe le plus authentique, le moins critiqué par les anthropologues modernes, à savoir celui présenté dans Masques Dogons.
 Source principale : Masques dogons (13)
- Création du monde : Amma créé le ciel, la terre, l’eau et le génie Nommo. 14 terres et 14 ciels sont empilés. Il fait descendre le génie sur la terre sur une arche par le chemin de l’arc-en-ciel. Il crée des êtres immortels : le caméléon, la  tortue, les esprits Yeban (des rochers), les arbres, les plantes, le lézard, les rapaces, la tourterelle, le lion, l’hyène, la panthère, le hibou. Puis il créé l’homme et la femme (“selon certains informateurs, l’homme s’appelait Adama et la femme Hawa“). En ce temps-là les humains étaient aussi immortels, leur âme pouvait quitter leur corps pour se rendre dans le monde des génies Yeban. Leur corps pouvait se transformer en grand serpent pour les rejoindre.
- Destruction du premier monde : La Terre et le Ciel des humains se sont mis à se quereller, la Terre prétendit être la plus vieille, provoquant la fureur de l’Amma du monde d’en bas (Il y a un Amma par monde, celui du bas est le plus vieux et le plus puissant.). Amma renversa le poteau du bas, faisant tomber le ciel sur la terre, et chaque Amma l’imita, si bien que tous les êtres furent broyés. Les seuls épargnés furent les vieilards transformés en serpents et les esprits Yeban.
- Reconstruction : “La Terre reconnut que le Ciel était le plus fort”. Les Amma de chaque monde redressèrent l’édifice mais le ciel était si bas que les nouveaux hommes (Andoumboulou) ne pouvaient pas grandir.
- La lune griffée : “La lune était alors comme un miroir fraîchement formé de matière molle. L’hyène, l’ayant trouvée belle, voulut la toucher de sa griffe et laissa au centre une empreinte, car l’astre était encore chaud”.
- Les étoiles sont des jouets : “A cette époque, les femmes prenaient les étoiles pour les donner aux enfants.” Puis les femmes remettaient les jouets à leur place.
- Le ciel est trop bas : Le soleil était si proche de la Terre qu’il brûlait les hommes et le ciel si bas qu’il gênait les femme lorsqu’elles utilisaient leur pilon. C’est une vieille qui repoussa le Ciel avec son pilon à la place qu’il occupe aujourd’hui. Les hommes purent enfin grandir…
(étapes intermédiaires : invention du feu par le forgeron, invention de l’agriculture, domestication des animaux.)
- Nouvelle querelle de la Terre et du Ciel : La Terre déclare être plus grande que le Ciel, provoquant à nouveau la colère d’Amma. Il monta au Ciel et empêcha la pluie de tomber. Grâce aux coups du forgeron, aux tambours d’un cordonnier, qui vénéraient Amma celui-ci redscendit sur terre et fit tomber la pluie. “Amma est grand, la terre est petite”.
(étapes finales : découverte des fibres par une femme, apparition de la mort, invention du Sigui, etc.).

B-6) SYSTEME DU MONDE
Dans Masques Dogons, dès la deuxième page du mythe cosmogonique, un système du monde est en marche, une représentation est donnée, un schéma est même utilisé en marge du récit. On ne retrouve pas cette approche dans les ouvrages d’après-guerre, la tentation de donner à voir un système complet a été remplacée par une profusion détails sur les objets célestes.
Alors que Masques Dogons demeure notre source principale, nous avons cru bon de mentionner les indices cosmologiques présents dans Le Renard pâle, à titre d’indication. On décèle quelques convergences comme la structure du monde basée sur le chiffre 7, l’archétype du système du monde figuré par un cercle traversé par un axe aux extrémités évasées. Mais aussi des divergences comme sur le mouvement de la terre, ou le rôle de spirale.
• Source principale : Masques dogons (14)
- une terre circulaire entourée par un serpent : “La terre ronde et plate, entourée d’une grande étendue d’eau nęn di, eau de sel, en forme de couronne. Cette mer elle-même est encerclée par un immense serpent, yuguru na, qui maintient l’ensemble en se mordant la queue. S’il venait à lâcher prise, tout s’effondrererait. “
- l’axe du monde : “Au centre de la terre, au nord des falaises, s’élève un poteau de fer, amma dyĩ (…). Il monte jusqu’à une autre terre qu’il soutient sans la traverser et qui se trouve au-dessus du ciel visible (…).” Ce poteau a une forme évasée aux extrémités.
- les 14 mondes : “La terre du dessus est comparable à celle où sont les hommes. Sept disques s’étagent ainsi vers le haut. D’autres part, la terre des hommes est la première d’une série de sept qui s’étagent en dessous.”.
- mouvement : “pour chaque disque, il existe un soleil et une lune ; le soleil est au-dessus des confins de la terre dont il n’éclaire qu’une partie, comme une lampe. Il est immobile, tandis que le disque tourne en un jour autour de son pivot de fer. Ainsi, tous les pays sont tour à tour éclairés.” (note : “pour un observateur placé sur terre= la terre tourne dans le sens des aiguilles d’une montre”)
Complément : Anecdote rapportée par Michel Leiris (15)
- terre plate : Michel Leiris, qui a participé à la découverte des Dogons au cours de la fameuse expédition Dakar-Djibouti rapporte un épisode intéressant sur Ambara, un informateur de Griaule : “Ce matin, il  racontait à Griaule que, lorsque lui et ses camarades de l’école avaient dit, après une leçon de cosmographie, aux vieux que la terre était ronde, ils avaient été battus”. ce qui suppose que les Hogons croyaient que la terre est plate.
• Complément contradictoire : Le Renard Pâle (16)
- terre :“la terre se trouve dans un “monde d’étoiles en spirale”.
- axe : le monde d’étoiles en spirale de la terre tourne autour d’une axe qui relie la polaire à la Croix du Sud.
- mouvement des étoiles : “Les étoiles tournent dans le ciel. Les étoiles sont le signes inconnus d’Amma qui tournent dans le ciel”.
- double mouvement de la terre : “La terre tourne sur elle-même et parcourt d’autres part un grand cercle, adunǫ ḏigili “cercle du monde”, comme une toupie dont la rotation est accompagnée d’un mouvement circulaire”.

B-7)  DESCRIPTION DES ASTRES
Il y a un grand déséquilibre entre Masques Dogons et Le Renard Pâle dans les mythes et descriptions des astres. Dans le premier ils sont quasi inexistants tandis que le deuxième en contient beaucoup, peu-être trop…
Dans les années 1990, Walter van Beek a remis en question les informations relatives à Sirius et ses compagnons.
Source principale : Masques dogons
Dans ce mythe il y a juste un épisode sur le soleil et la lune :”il existe un soleil et une lune ; le soleil est au-dessus des confins de la terre dont il n’éclaire qu’une partie, comme une lampe. Il est immobile”. et l’épisode sur les étoiles qui sont des jouets (voir cosmogonie).
Complément : Le Renard Pâle (17)
Renard pâle fourmille d’informations, parfois étranges…
• Voie Lactée
- yalu ulo, “Voie lactée de notre galaxie, qui résume l’ensemble du monde stellaire dont fait partie la Terre, lequel tourne en spirale” (p. 104)
• La spirale
Le mot “sprirale” revient à plusieurs reprises dans le Renard Pâle, alors qu’il est complètement absent des premières investigations de Griaule. Il est cité dans des extraits traduits et dans des commentaires, sous la forme d’un motif cosmogonique ou cosmologique :
- un motif cosmogonique (résumé du début du chapitre I) :
La spirale est au cœur de la création d’Amma, elle symbolise le dieu lui-même, l’énergie, le mouvement.
Après avoir créé et détruit un premier monde Amma en façonne un deuxième. Amma décide de ne plus superposer ses éléments mais de les mélanger. En son sein, dans l’œuf toujours divisé en 4 parties, Amma dessine les marques yala de l’univers, au nombre de 266 et anime une spirale au centre de l’œuf. Il ouvre les yeux, faisant sortir les yala de la spirale, inversant le sens de rotation de la spirale. La sortie des yala de la spirale les transforme en tõnu, annonçant la création des astres. Dans l’œuf d’autres yala, des jumeaux, inversent à nouveau le sens de rotation de la spirale, transformant la spirale en 7 “limites de l’espace”, yalu ulo.
“(…) le terme yalu ulo désigne la Voie lactée de notre galaxie, qui résume l’ensemble du monde stellaire dont fait partie la Terre, lequel tourne spirale. Le nombre 7 exprime la multiplication car il totalise 3 qui symbolise le sexe de l’homme et 4, le sexe de la femme.”
Amma, toujours au centre de l’œuf, “était lui-même comme un mouvement spiralant” créé la graine ovale de põ (fonio-digitaria exilis) et la dépose au centre. Cette petite graine, invisible, inaudible, contient la volonté créatrice d’Amma, puis sa parole. Puis Amma créé les 8 graines de céréale : ęmmę ya “mère des céréales” (sorgho femelle), ęmmę dī giru “œil de l’eau”, ęmmę pilu, ęmmę nakolo, ara gęũ (riz noir), yũ (mil), nũ (haricot), namu ī(cotonier. L’œuf s’est transformé en placenta double (même racine que cuivre) dans lequel les premiers êtres animés se forment, les Nommo anagonno, (silure), dotés de parole. Amma multilplie ses créatures, formant quatre paires de jumeaux mixtes : Nommo dię “grand Nommo” (reste au ciel près d’Amma, régisseur de l’atmosphère, de la pluie, se manifeste sous forme d’orage, d’arc-en-ciel (Nommo sizu “chemin de Nommo), Nommo titiyaynę “messager du Nommo” (protecteur et gardien des principes spirituels, sacrificateur), o nommo ‘nommo de la marre” (sera sacrifié à cause des actes néfastes de son jumeau, c’est lui qui sera rescuscité et descendra sur terre avec les premiers hommes sur une arche), nommo anagono ou Ogo, (c’est lui qui se révolte contre son créateur, introduira le désordre et se transformera en renard).
- un motif cosmologique :

Pour décrire le monde, la spirale revêt ici un sens plus fonctionnel, le motif sert à maintenir l’ordre du monde. Chose étrange, le motif se répète, à l’image des mondes  :
La Voie lactée est “l’image de la spirale des astres à l’intérieur du mondes d’étoiles en spirale où se trouve la Terre”. (p.321 + 169).
“L’ensemble des étoiles, celles qui font partie du monde d’étoiles en spirale où se trouve la Terre, visibles ou invisibles dans le firmament et celles qui font partie des autres mondes d’étoiles en spirales créés par Amma sont également en rapport avec l’ensemble des signes, expressions première de la pensée du Créateur. (…)”(p.466).
Il y a donc plusieurs mondes d’étoiles en spirales, le notre (celui où se trouve la Terre) et bien d’autres. En d’autres termes il y a une pluralité de mondes d’étoiles en spirales.
Plus loin, les anthropologues ajoutent “Le monde d’étoiles en spirale où se trouve la Terre, souligné par la Voie Lactée, tourne autour d’un axe théorique qui relie la Polaire, dū daga tolo “étoile du nord” à la Croix du Sud tenulu tolo “étoile du sud”, astres dits “yeux d’Amma”, lesquels soutiennent et surveillent le monde.” (p. 466).
“Le soleil tourne sur lui-même, comme sous l’effet d’un immense ressort en spirale. Renforcée par les “cordes” de pluie qui pénètrent en elle, la Terre tourne sur elle même et parcourt d’autre part un grand cercle adunǫ digili “cercle du monde”, comme une toupie dont la rotation est accompagnée d’un déplacement circulaire.” (p. 477)
• Etoiles
-”Les étoiles tournent dans le ciel. Les étoiles sont le signes inconnus d’Amma qui tournent dans le ciel”.
- Polaire : aduno girī, “œil du monde”, dū daga tolo “étoile du nord”
- Croix du Sud : aduno girī lẹy, “deuxième œil du monde”, enulu tolo “étoile du sud”
- Baudrier d’Orion : atānu tolo, “étoiles trois”
Groupe d’étoiles = “soutien de l’assise du monde”, témoins des signes maîtres et guides des 266 signes primordiaux :
- Sirius : sigi tolo, “étoile du Sigui”
avec ses compagnons, elles sont les “étoiles de la tête”
- 4 étoiles du chariot d’Orion : ami bogu tolo, “étoiles du nombril d’Amma”
- Pléiades : tôle ḏuṅo
- étoile du chevrier : ęnęgirinę tolo
• Sirius et ses deux compagnons
- Sirius : sigi tolo, “étoile du Sigui”
- premier compagnon de Sirius : põ tolo, “profond commencement” ou “étoile du folio”, révolution autour de Sirius en 50 ans.
“‘Amma a créé põ tolo la première de toutes les étoiles.”, et joue donc un rôle primordial dans la cosmogonie.
“Elle est la plus importante de toutes les étoiles”,
“(…) considérée comme le centre du monde stellaire”.
“Quand plus tard, ils (les hommes) la verront dans le ciel, elle leur sera un témoignage de renouvellement du monde”
“Elle est semblable à l’œuf du monde”, “considérée comme le réservoir, la source de toutes les choses. Elle est la plus petite, mais aussi la plus lourde des choses célestes”.
composée des éléments de base : air, feu et eau. avec un métal très lourd : “si l’on assimilait la dimension de son diamètre à celle d’une peau de bœuf étendu (…), elle pèserait aussi lourd que 480 charges d’âne (environ 35 000 kg)
Comme les autres étoiles elle s’est éloignée de la Terre (contrairement au soleil).
C’est le mouvement de põ tôlo qui maintient toutes les autres étoiles à leur place respectives.
“soutenant l’univers en tournant sur elle-même et autour de Sirius, on dit d’elle, qu’elle est le pilier des étoiles” C’est l’axe du monde entier.
- deuxième compagnon de Sirius : ęmmę ya tolo, “petit soleil des femmes”.
C’est le siège des âmes femelles. Plus volumineuse que põ tolo mais 4 fois plus légère. Elle met également 50 ans pour tourner autour de Sirius selon une trajectoire plus vaste (note  : “d’après une autre information, sa révolution serait de 32 années”).
Elle tourne pour transmettre les ordres de põ tolo à Sirius.
les autres étoiles sont les “étoiles du corps”
- lever héliaque de Sirius : conjonction des deux placentas initiaux. “Le lever héliaque de Sirius (…) et la révolution de põ tolo  (…) autour de cette dernière, seront associés à l’éxécution des cérémonies soixantenaires du Sigui qui commémorent actuellement à la fois la révélation e la parole aux hommes et l’apparition de la mort sur Terre.”
• Soleil et Lune
- Soleil : nay, “quatre”, chiffre féminin. Resté proche de la terre.
Il tourne sur lui-même, “comme sous l’effet d’un immense ressort en spirale”). C’est un reste du placenta d’Ogo (Le renard pâle). Distribue la lumière avec 22 rayons, répartis selon les points cardinaux.
“Il pousse le matin (…) il est alors le “soleil du levant”. Dans la journée il suit le “chemin de la chaîne de l’arche”. Quand il se couche on dit qu’il “est tombé dans l’arche”.
“Les deux mouvements apparents du soleil déterminent le jour (bay) et la nuit (digę), d’une part ; les solstices (dū daga nay “soleil du nord, teṅulu nay “soleil du sud”) et les équinoxes (nay logoron “soleil du milieu”), d’autre part.
C’est le génie Nommo qui le fait marcher d’est en ouest. Ses rayons sont des artères où circule le sang du placenta toujours qui nourrit la terre sèche.
- Lune : ie pilu, sèche et morte. Un sang impur y circule (cf sang des menstrues). Quand la lune est pleine c’est qu’elle a reçu le sang que lui envoie le soleil puis elle dépérit à nouveau. Les phases de la lune sont aussi associées à l’ouverture de la bouche du Nommo. La nouvelle lune (le Nommo se tait) est un moment défavorable où survient la mort. Le calendrier lunaire est le calendrier courant. La lune  marque le temps qu’ a mis Ogo pour arracher son placenta et former la terre. 2 mois = 60 jours correspondent aux 60 trous faits par Ogo dans son propre placenta.
b)    7- Les Bambaras :
c-1) Qui sont les Bambaras ?
Les Bambaras appartiennent au grand groupe des Mandingues qui comprennent aussi les Soninkés, les Malinkés, et les Dioulas. Ils vivent essentiellement au Mali où ils constituent le principal groupe ethnique (80% des Maliens parlent le bambara). Comme les Dogons, les Bambaras sont un peuple de sédentaires qui s’adonnent essentiellement à l’agriculture, à la chasse et à l’artisanat (poterie, forge, travail du bois).
Les bambaras s’appellent eux- mêmes Bamanas :
ban= refus et manan=maître. Ceux qui ont refusé de se soumettre au maître.
En effet, ils auraient refusé de se soumettre à l’autorité de Soundjata Keïta lorsque celui- ci a fondé l’empire du Mali. Farouchement attachés à leurs traditions, ils résistèrent longtemps aussi bien à la domination des empires voisins qu’à l’influence de l’Islam. Mais vers le milieu du XIXème siècle, le puisant royaume bambara de Ségou s’effondra sous les assauts des armées musulmanes du Toucouleur, El Hadj Omar (les Toucouleurs sont un sous- groupe de l’ethnie peule). Ce qui fait qu’aujourd’hui, la majorité des
Bambaras, pratique la religion musulmane. Mais les croyances et les traditions n’ont pas disparu, loin de là.
c-2) La Cosmogonie bambara :
 Maa Ngalaa est le Dieu suprême des Bambaras.
Au début, il y a glan, le vide originel et le mouvement universel. IL s’enroule en deux spirales de sens inverse, en dégageant une force, yo, dont procède l’esprit, yo.
Celui- ci en tournoyant aux 4 points cardinaux conçoit 4 mondes dont l’actuel (qui est le troisième ) et un futur. Le monde est ainsi conçu est réalisé par la vibration (yereyeli).
Après ces préliminaires, commence la création. On voit s’ordonner 22 éléments qui ont les caractéristiques générales des êtres, les idées. Une masse lourde, pemba, tombe en tourbillonnant et donne naissance à la terre. En même temps, une portion d’esprit se lève : c’est faro qui construit le ciel il tombe ensuite sur terre sous forme d’eau et sème la vie : successivement, l’herbe, le scorpion, , le poisson, le crocodile, et tous les animaux aquatiques. Au début, l’Homme aussi est aquatique. Il a donné naissance aux pêcheurs bozos qui sont les premiers humains.
Pemba se transforma en grain de balanza (acacia) et son double en femme (Mousso Koroni). Les hommes (nés de Faro) adressaient alors des prières au balanza. Ils étaient immortels, redevenant à 59 ans des enfants de 7 ans. Ils vivaient nus et ne travaillaient pas (le monde regorgeait alors de nourriture).
Mais un jour, le balanza exigea que toutes les femmes s’unissent à lui. Mousso Koroni , jalouse, mutila tous les hommes et toutes les femmes (début de l’excision et de la circoncision). Ce fut le désordre qui introduisit sur terre le malheur et la mort.
Après moult péripéties, Faro et Pemba entrèrent en guerre. Faro sortit vainqueur et réorganisa le monde. Il créa le jour et la nuit, les saisons, les sept cieux, les sept parties de la terre. Il répartit les hommes en races, en castes, indiqua les interdits et donna les 8 grains nourriciers. Il est le dieu de l’eau et tient en réserve les 12 eaux qui un jour submergeront la terre. Pour faire place au monde futur.
c)     
        8- Les Fangs :
 d-1) Qui sont les Fangs ?
Peuple aux origines inconnues (peut-être de la Haute- Egypte) vivant essentiellement au Gabon (30% de la population), en Guinée Equatoriale (60% de la population), au Cameroun et au Congo- Brazzaville.
Les Fangs sont surtout connus pour leur mvet, une poésie (et aussi une
9- Rôle et importance de la parole :
1)     Fonction de la parole :
Son rôle est fondamental. C’est le lien indispensable entre :
-         les vivants (moyen de communication)
-         les vivants et les morts donc entre les générations (archive orale)
-         les hommes et les dieux (parole sacrée)
Sa fonction est aussi bien sociale que poétique, rituelle que mémorielle.

2)     a-1 les agents de la parole :
 1) Les parents
2) Les conteurs
3) Les vieillards
 4)) Les griots : conteurs, poètes, généalogistes, gardiens de la mémoire mais aussi conseillers des rois, diplomates, moralistes, conciliateurs, gardiens de la mémoire collective. Ce sont les maîtres de la parole.
Légende du diéli.
Origine du mot griot : crear, creado, creança.

10-  Les différents états de la parole :
1)    Le conte :
a)    Définition :
b)    Récit fictif qui raconte les aventures d’un ou plusieurs personnages :
-         si situe toujours au passé.
-         les temps et les lieux imprécis
-         invraisemblance totale
-         personnages sans profondeur
-         manichéen
-         construction simple offrant une grande lisibilité
-         genre optimiste
-         cruel et violent
c)     Le contexte de la narration :
-contexte social : ou en famille ou en groupe (le conte est une fête)
-contexte temporel : on ne compte pas n’importe quand. Généralement, il est
Interdit de compter pendant la journée (cela porte malheur). On compte la nuit, au clair de lune (saison sèche). On ne compte pas en hivernage.
-Le narrateur commence son conte par une formule qui prévient l’auditoire qu’on se prépare à quitter le monde réel pour un autre plus invraisemblable et plus beau. Il termine par une autre formule indiquant le retour sur terre.
d) Classification du compte :
Vladimir Propp
Denise Paulme
d-1) Le conte ascendant :
Il est du type ; manque- amélioration- manque comble (voir conte # 1)
d-2) Le conte descendant :
Il est du type : situation normale- détérioration- manque
d- 3) Le conte cyclique :
Il est du type :
Manque- amélioration- situation normale- détérioration- manque
Ou :
Situation normale- détérioration- manque- amélioration-manque comblé.
d-4) Le conte en spirale :
Il est du type : manque- amélioration- manque comblé- détérioration- danger couru- nouvelle amélioration- état pleinement satisfaisant.
d-5) Le conte en miroir
Elle est caractéristique des contes initiatiques :
Les héros sont soumis aux mêmes épreuves mais leurs conduites opposées amènent à des résultats inverses (héros positif et héros négatif).
d-6) Le conte en sablier :
Ici aussi, deux héros aux comportements inverses. Mais ici, les chances au départ ne sont pas égales. Partis de points opposés, les 2 héros é changeront en cours de route leurs positions respectives
   : ce sont en général, les contes longs, dans lesquels on retrouve les différents modèles ci- dessous.
d-7) Illustrations :
1)    Le conte en spirale :
Un chasseur tire d’un puits trois animaux (rat, serpent et léopard) et un homme. En reconnaissance chacun des animaux lui offre un cadeau : le rat de la poudre d’or volé chez le roi et l’homme, un misérable pot de vin de palme. Le chasseur reproche à l’homme son avarice. Celui- ci jaloux, va dénoncer son bienfaiteur chez le roi.
Le serpent sauve le pauvre chasseur que l’on s’apprête à exécuter. Il lui donne un médicament et lui dit : «  Quand on sera sur le point de t’exécuter, j’irai mordre l’enfant préféré du roi. Alors, tu feras savoir que tu peux soigner le pauvre enfant  à condition qu’on lui fournisse le sang d’un mouchard».
Ainsi fut fait.
Le roi gracia le chasseur et mit à mort le délateur. Plus personne ne parla de la poudre d’or volée.
2)     Le conte en miroir :
Exemple :
Le bénit et le maudit reçoivent d’une fée trois oeufs magiques.
Le bénit casse le premier œuf, il apparaît une splendide ville. Il casse le second, il apparaît un trône. Il casse le troisième, il apparaît une phénoménale quantité de poudre d’or. Il devint roi.
La femme du maudit lui dit : tu sais mon mari combien ton nez est petit. Il cassa son premier œuf pour avoir un nez plus gros. Il apparut un nez de 12 km de longueur. Il cassa le second le nez disparut totalement. Il cassa le troisième et il redevint comme il était.
3)     Le conte en sablier :
Une marâtre éduque sous sa case sa fille et une orpheline bossue de même âge que celle-ci. Cette année- là, une méchante épidémie ayant tué toutes les vaches, on ne trouvait de lait nulle part.
Un jour, en pleine nuit elle dit à la petite bossue en lui remettant une gourde : « Tiens, vas me chercher du lait ! Tu ne reviendras pas ici sans m’avoir trouvé du lait ! Elle partit loin et rencontra sur sa route différents monstres. Mais émus pas sa gentillesse et sa bonne éducation, ceux- ci, à tour de rôle, lui vinrent en aide. Elle arriva au bord d’une rivière et vit une vielle femme pleine de gale, de poux, de vermine etc. Elle lui demande de la laver, ce qu’elle fait. Alors, elle se transforme en une belle fée… qui lui remplit sa gourde de lait et lui donna une écuelle magique qui se remplissait toute seule de nourriture à chaque fois qu’elle avait faim.
Elle revint au village. Jalouse, la marâtre lui demande de conduire sa fille à la fée mais a fille sa conduit mal. Alors, la fée lui colle la bosse de la petite orpheline.

e)Etude de deux épopées africaines :
-Soundiata (voir exposé) : épopée mandingue qui tend à mythifier l’Histoire.
-La légende de Nguranegurane, le fils du crocodile, épopée fang qui, au contraire, tend à historiciser le mythe.
 [On verra les proverbes et les devinettes plus tard]

c)     L’épopée :
a)     Définition :
Le mot vient du grec epopoia qui est lui- même formé de deux autres mots :
-epos (qui est exprimé par la parole)
-poïen (fabriquer)

Quelques définitions de l’épopée :
 « Long poème (récit au style élevé) où le merveilleux se mêle au vrai. La légende à l’Histoire  et dont le but est de célébrer un héros ou u  grand fait » (Le Petit Robert).
« L’épopée tient de la légende et se rapproche du mythe »
« Récit de louanges envers un héros qui s’est battu jusqu’à la mort pour sa patrie  et qui intègre souvent des éléments merveilleux tirés de la légende. »
 «  Le mythe est le rêve d’une humanité qui se cherche. »
L’épopée « révèle la forme poétique de l’enfance des peuples alors que la critique n’existait pas encore. » (Lamartine).
« Long récit d’aventures héroïques où intervient le merveilleux. »
 ‘Récits poétiques d’aventures héroïques, suite d’aventures sublimes ».
« Récit dit  par un artiste spécialisé, avec un accompagnement  musical qui assure  ou renforce une mise en rythme de l’énoncé , le distinguant de la prose ordinaire, et aboutissant à diverses formes  versifiées, qu’il s’agisse de mètres réguliers ou d’unités plus souples. »
b)    Origines de l’épopée :
L’épopée trouve son origine dans le mythe aussi bien que dans l’histoire.
Certaines épopées s’appuient sur l’Histoire et d’autres, sur le mythe mais très souvent, nous assistons à une combinaison des deux :
-historisation du mythe (Gilgamesh)
-mythification de l’histoire (Soundiata)
c) Fonctions :
-le genre épique est fondateur : il se retrouve  comme les cosmogonies à l’origine de la plupart des littératures.
-l’épopée donne aux sociétés les valeurs à l’intérieur desquelles  elles se définissent et se reconnaissent. Elle justifie les valeurs fondatrices de l’identité culturelle d’un groupe par une association particulière du mythe et de l’histoire.
-l’épopée véhicule le savoir- vivre et le savoir- mourir d’une société.
d) Conditions de naissance du mythe:
-existences d’artistes spécialisés : barde gaulois, minstrel anglais, aède grec, griot africain etc.
-société hiérarchisée avec une classe de guerriers, une classe de prêtres ou de clercs  dépositaires des  anciennes traditions et jouissant d’une autorité médiatique et un milieu populaire où règne l’oralité.
-parole exaltée (poésie ou prose lyrique).
-présence de défis, de conflits ou de guerre.
e) Le héros :
- extraction noble
-naissance particulière (Soundiata, Chaka)
-qualités exceptionnelles précoces (intellectuelles, physiques ou magiques).
-bénificie des faveurs du sort ou des dieux.
-figure l’idéal d’une société.
f) Quelques épopées célèbres :
-Gilgamesh (Mésopotamie)
-L’Odyssée (Grèce)
-Le livre des Maccabés (Juifs)
-Le Mahabharata (inde)
-La chanson de Roland (France)
-Soundiata (Mandingues)
-Le Mvet (Fangs)
-Chaka (Zoulou)
-Samba Guéladio (Peul)

11-  Tradition et transmission :
1)    L’initiation :
« L’initiation est une cérémonie privée qui se déroule dans un lieu déterminé où le récipiendaire est progressivement admis à la connaissance de certains mystères qui sont l’apanage d’une association sociale ou spirituelle à caractère plus ou moins religieux. » Amadou Hampâté Ba.
Initiation à la franc- maçonnerie, au métier de berger (Peuls), au métier de chasseur (Mandingue) etc….
a)    Fonction : C’est un système de formation ésotérique qui permet à un individu de passer de l’âge profane à l’âge sacré, c’est-à- dire d’accéder aux codes qui régissent les croyances d’un groupe social ou d’une civilisation.
b)    Le rite initiatique : (exemple chez les Peuls)
«  L’initiation commence au berceau et finit dans la tombe » (proverbe peul).
RÉCIT DE VIE
Paroles relatives à un individu que certains chercheurs ne considèrent pas comme littérature orale mais que d'autres acceptent à condition que ces récits soient semi-fixés transmis avec des productions de variantes.
Attention : le découpage de ces récits en genre est un peu artificiel car la plupart de ces récits ne sont pas aussi clairement définis dans la tradition orale. Ils s'interpénètrent souvent et s'associent pour servir le sens porté par le narrateur.

b-1  Structure de la connaissance chez les Peuls :
Le chemin de la connaissance est jalonné de 12 clairières éclairées par 12 clairières de couleurs différentes et délimitées par 2 clairières obscures (le mystère de la naissance et le mystère de la mort).
 Au bout de ce parcours initiatique, le candidat reçoit une corde de 28 nœuds ainsi que le nom sacré de la vache.
b-2 Le rite initiatique :
Il commence environ vers le 3eme septennat du jeune pasteur. Mais au préalable, le jeune homme doit prouver que «  son cœur n’est pas facile à surprendre » : pour cela, il devait arracher à coups de bâtons une proie volée au troupeau par un des trois fauves : lion, panthère ou hyène. Et la nuit, au 13eme ou 14eme jour de son acte, il devait, assisté de son oncle maternel, se présenter  avec la peau de sa proie devant le saltigui (myste) entouré d’un gando (connaisseur) et d’un magicien tous assis sur des peaux.
Le magicien : «  Peul’ d’où viens-tu ? »
Le connaisseur : « Peul, où vas- tu ? »
La saltigui : «  Peul, qui es- tu ? »
L’oncle maternel répondra :
« Le fils de ma sœur vient de l’Orient lumineux »
« Le fils de ma sœur va en Occident herbeux »
« Le fils de ma sœur est un Adam »
Le saltigui : « Comptes- tu retourner en Orient ? Quand, comment et pourquoi ? »
L’oncle maternel ne doit pas répondre à ces 3 questions.
-9 premiers mois : le jeune homme se fera initier aux mystères des 4 éléments (air, feu, eau, terre)
-4 périodes de 60 jours pour étudier chacun de ces éléments
-27 jours  pour apprendre les 28 lieux magiques de la lune.
Puis les secrets de la parole, puis les secrets des 11 forces- mères etc.
2)    
1      12- Tradition et modernité :
a)    Influence de la tradition orale sur la création cinématographique :
Le cas du film Saraounia  de Med Hondo.
a)    Continuité :
Avant de devenir un film, Saraounia est d’abord un roman lui- même tiré d’une épopée orale de l’Est du Niger. Le cinéaste décrit fidèlement certains aspects de la tradition : l’initiation, l’épopée, l’image du griot.
b)    Transgressions :
En revanche, il prend beaucoup de libertés avec la tradition dans le traitement  de la figure de la reine : dans un incontestable élan féministe, il donne la parole directement à la reine alors que dans la tradition, non seulement, le roi ne parle jamais directement au peuple, une reine encore moins.
c)     Influence de la tradition orale sur la création littéraire :
Etude deux textes :
-         Konden Diara (un extrait de L’Enfant noir de Camara Laye) :
Langue classique académique (langue de baron français) pour parler d’une chose aussi profondément africaine que l’initition.
Dans les romans de la première génération d’écrivains, la langue française n’est pas retravaillée, la tradition orale n’y pénètre pas sauf parfois dans les dialogues. L’Afrique y est présente mais dans le contexte  et non dans le texte.
-         Un extrait de Les Soleils des Indépendances de Ahmadou Kourouma ;
 La langue est complètement retravaillée, volontairement africanisée. Ton très oral, néologismes africains, syntaxe africaine. Langue métissée.

13- ETUDE D’UN CONTE AFRICAIN: KAIDARA
 Kaïdara est un conte:
-initiatique
-prose poétique qui rompt avec le style neutre du conte.
.langage ésotérique, codé/quête ésotérique.
Le conte évoque un voyage :
-voyage symbolique/voyage dans le symbolique.
1) Ce voyage comprend trois mouvements :
a) Aller --àmouvement descendant---àmonde symbolique--àpays des nains.
b) Retour--à mouvement ascendant---àmonde réel
c) Révélation--àmouvement transcendant--àmonde spirituel--àvoie de la sagesse.
2) ce voyage se déroule dans 3 espaces :
a) Pays des nains (domaine du dieu Kaidara) : « Salut aux voyageurs qui vont au pays des nains… » (page 254).
b) Pays intermédiaire : « Bientôt le pays des nains disparut à l’horizon… » (page 281).
c) Pays réel : Il s’aperçut alors  qu’il avait été miraculeusement transporté à une très courte étape de son village… » (page 300).
Le voyage est effectué par 3 personnages :
-Dembourou (pouvoir) ---détérioration ---à manque aggravé
-Hamtoudo    (avoir) -----détérioration----àmanque aggravé
-Hammadi     (savoir) -----amélioration---à manque comblé
4) Le voyage traverse 12 symboles :
-5 animaux
-3 liquides
-2 humains
-1 végétal
-1 être fantastique
2 Kaidara est aussi organisé comme une pièce de théâtre :
Pièce de théâtre en 3 actes dont chacun comprend un certain nombre de tableaux :
1er acte ; rencontre des personnages+ rencontre des différents symboles=13.
2ème acte : destin des 3 personnages = 3 tableaux
3ème acte : ascension matérielle, sociale et spirituelle de Hammadi+ révélation+ascension de Kaidara = 5 tableaux
Total= 21 tableaux xcorrespondant aux 21 ans qu’a duré le voyage.
La sagesse peule s’organise en 12 séquences de 7 (3x7= 21) :
-21ans pour naître
-21 ans pour grandir
-21 ans pour vieillir
-21 ans pour mourir
Hammadi, le seul rescapé du voyage a grandi. Il est prêt à recevoir l’enseignement de Kaïdara (il a prouvé qu’il en est à la fois apte et digne).

3 Kaidara est aussi une épopée :
. Long récit d’aventures héroïques desquelles Hammadi sort, vainqueur. Mais ici, la conquête n’est pas chevaleresque, elle est spirituelle. Il s’agit plus d’une quête que d’une conquête.

4  La leçon de Kaïdara :
-         L’initiation =transformation au lieu de formation.
-         Il s’agit ici d’une préparation à l’initiation et non de l’initiation elle- même. Kaidara n’est pas l’initiation mais son mode d’emploi.
«  Le récit initiatique est la corde qui relie le veau au piquet, il n’est pas le piquet. » ( A. Hampaté Ba).
14  Le proverbe:
Paroima (grec) = proverbe
Par par lesquels les hommes a tou oimous = le long des routes. Parce qu'ils sont inscrits le long des routes. Aristote:" Parce qu'ils sont inscrits le long des routes dans le b ut d'améliorer et d'instruire les voyageurs.
 Quelques définitions:
"Prêt à penser"  ou "moralité en boîte", condensant dans une réduction généralisante, l'autorit♪0 morale et l'expérience référée à la norme." Claude Buridant.
"les oproverbes sont révélateurs des mécanismes intellectuels et affectifs parlesquels les hommes d'une culture donnée  pensent et établissent  les liens qui les unissent entre eux  ou qui les unissent à l'univers.....L'homme manyanka "dit " et fait sa société par les proverbes." Jean Cauvin
" La parole proverbiale constitue un mode spécifique de communication , dont les particularités sont plsu manifestes  dans une culture de l'oralité que dans les sociétéscripturales." Firmin Rodegem
 " le proverbe est une locutiomn ayant cours dans le langage populaire , refermée sur elle- même , ayant une tendance audidactisme et et une forme plus rélevée que le didactisme...le proverbe n 'est pas un début mais une conclusion, c'est le paraphe et le seau visible apposés à une idée et qui lui impose le caractère de l'expérience.... Dans les proverbes, il y a toujours un couvercle et un puits mais seulement quand l'enfant s'est noyé' André Jolles.

15 - La devinette:
 Devine = imagine, réfléchis.....
Quelques définitions:
 " S'applique à tout ce qui surprend par son caractère énigmatique et a besoin d'être interprété."  Geneviève Calame- Griaule
Question métaphorique; réponse concrète.

"Alors que le proverbe est un viatique, le balisage d'un chemin, le sens de la devinette est de poser  en permanence la question: "Où est le chemin?' Mamoussé Diagne
En Afrique traditionnelle où le verbe avait valeur "d'acte", il faut souligner que la parole représentait une arme redoutable que l'on devait utiliser avec art et respect. Comme le perçoit le professeur Chevrier :
Il faut ajouter, contrairement à l'idée répandue, que la littérature orale africaine n'est pas statique, mais elle connaît une certaine évolution insufflée par les préoccupations et les besoins mêmes de la société.
C'est ainsi que les productions contemporaines de littérature orale essaient de s'adapter aux préoccupations des acteurs sociaux tout en prônant un message basé sur un socle traditionnel.
La littérature orale burkinabè, partie intégrante de la littérature orale africaine ne fait pas une exception. En effet, nous y retrouvons des genres oraux qui sont les signes incontestables de la richesse de cette littérature orale. Pour sa part, la littérature orale Moaaga a une richesse et un dynamisme qui font l'objet de plusieurs investigations.
C'est ainsi que les Moose du Burkina Faso distinguent une taxinomie et une typologie pour désigner d'une part les genres non-narratifs : Solem Kuuega (conte court ou devinette), Yelbundi (proverbe), Zabyuure (nom de guerre) ; d'autre part les genres narratifs: Solem wokko (fable), kibare (nouvelle), Yillè (chant).
II-  INTRODUCTION
1-    La tradition orale en Afrique
1.1- Le contenu de la tradition orale
                       * pour réfléchir (sagesse)
                       * pour avoir peur (fantastique)
                       * pour explorer ses images intérieures (merveilleux)
"La fabuleuse et mystérieuse histoire de l’'homme
révélée et narrée par lui-même,
telle pourrait être, telle devrait être
la définition de tout mythe"
 Jacques Lacarrière
Fonctions :
- Les mythologies des sociétés de tradition orale expriment la relation que les hommes établissent avec leur environnement naturel et surnaturel.

- Elles sont à la base des systèmes religieux les plus divers.

- Elles structurent les croyances qui, elles-mêmes, influencent un comportement quotidien, un calendrier, un langage, ...
Quatre des principales phases d'un mythe :
- Cosmogonie
Le mythe cosmogonique proprement dit présente le premier état larvaire ou germinal du monde et explique comment le monde a été transformé. Il sert de modèle à tous les mythes d’'origine.
- Théogonie
Naissance et mise en place d’'une hiérarchie ou d’'une société des dieux. Génération des dieux. Se dit de tout système religieux polythéiste.
- Anthropogonie
Naissance mythologique des hommes. Explique comment l’'homme est devenu ce qu'’il est aujourd’'hui : mortel, sexué et obligé de travailler pour se nourrir.

- La littérature orale peut être considérée comme la partie de la tradition qui est mise en forme selon un code propre à chaque société et à chaque langue, en référence à un fonds culturel.

- Elle véhicule aussi bien l'histoire du groupe que ses croyances, ses représentations symboliques, ses modèles culturels ou sa vision du monde naturel.

- Fortement imprégnée de valeurs spécifiques de la société, elle sert souvent de base à l'enseignement traditionnel.

- En posant sous une forme symbolique des problèmes communs à toutes les sociétés humaines (explication du monde, relations entre les membres du groupe familial, etc...), la littérature orale se prête au comparatisme.

- La littérature orale peut être considérée comme la partie de la tradition qui est mise en forme selon un code propre à chaque société et à chaque langue, en référence à un fonds culturel.
- Elle véhicule aussi bien l'histoire du groupe que ses croyances, ses représentations symboliques, ses modèles culturels ou sa vision du monde naturel.

- Fortement imprégnée de valeurs spécifiques de la société, elle sert souvent de base à l'enseignement traditionnel.

- En posant sous une forme symbolique des problèmes communs à toutes les sociétés humaines (explication du monde, relations entre les membres du groupe familial, etc...), la littérature orale se prête au comparatisme.

- Elle véhicule aussi bien l'histoire du groupe que ses croyances, ses représentations symboliques, ses modèles culturels ou sa vision du monde naturel.
- Fortement imprégnée de valeurs spécifiques de la société, elle sert souvent de base à l'enseignement traditionnel.

- En posant sous une forme symbolique des problèmes communs à toutes les sociétés humaines (explication du monde, relations entre les membres du groupe familial, etc...), la littérature orale se prête au comparatisme.

- Fortement imprégnée de valeurs spécifiques de la société, elle sert souvent de base à l'enseignement traditionnel.
- En posant sous une forme symbolique des problèmes communs à toutes les sociétés humaines (explication du monde, relations entre les membres du groupe familial, etc...), la littérature orale se prête au comparatisme.

- En posant sous une forme symbolique des problèmes communs à toutes les sociétés humaines (explication du monde, relations entre les membres du groupe familial, etc...), la littérature orale se prête au comparatisme.
Généralement dans les villages africains, notamment moose, le soir, autour d'un feu, des vieux, des jeunes, des femmes et des enfants se retrouvent pour partager le plaisir de la parole. Cependant, ce plaisir de raconter est consubstantiel à d'autres fonctions notamment la fonction pédagogique assignée à la littérature orale.
Il y a aussi un besoin impérieux de créer des liens étroits entre les morts et les vivants à cause d'une dette de sang qui lie les seconds aux premiers. Comme le note si bien le professeur Chevrier, la fonction pédagogique de la littérature orale
"permet de concilier les forces du bien et d'exorciser les forces du mal. On comprend donc [toute] l'importance qui est attachée à la parole bien dite ; car à certains moments la parole a véritablement valeur d'acte" (2)
Ainsi dans les textes, il y a toujours une pédagogie subreptice comme dans le cas de l'anthropomorphisme, que nous avons évoqué, destinée aux jeunes et parfois aux adultes.
On remarque aussi que les textes de littérature orale sont souvent construits autour du récit d'un conflit, ou d'un méfait assorti d'un dénouement. Ces textes s'inscrivent dans la veine de la morale sociale en vigueur au sein de la société ; il y a comme une sanction infligée à toute infraction à la norme admise. C'est un procédé qui répond aussi au souci politique et idéologique du maintien de l'ordre. A ce niveau, les gouvernés et les gouvernants ne sont pas épargnés. Les chefs et les roturiers d'une part ; les responsables politiques comme le peuple d'autre part ne sont pas au dessus de la loi et se doivent de respecter la coutume. Nous pouvons dire que la plupart des contes du Lagl Naaba sont bâtis sur cette philosophie de la morale (3 ).
Chez les moose, qui sont en partie régis par le système de l'oralité, c'est à travers la parole que s'effectue une part importante de l'éducation, notamment la transmission des valeurs et savoirs. La pédagogie moaaga joue surtout la carte de l'émotion, de la stimulation, du fantastique (ou fantasmagorique) qui représentent pour elle, les moyens psychologiques les mieux appropriées, ainsi que les meilleures conditions pour éveiller et entretenir au maximum la réceptivité des enfants. Cette réceptivité, en tant que conditionnement mental préparerait une bonne assimilation des choses enseignées en sollicitant entre autres choses, toute l'attention et l'intérêt des plus jeunes. L'usage à des fins pédagogiques de "l'épouvantail", l'appel répété au surnaturel et au sublime, à l'imaginaire ou la "crainte inconsciente" de voir mourir un être cher, de par la faute de l'enfant... participent de cette volonté posée ici comme principe de "pédagogie". Les moyens pour réaliser un tel contexte mental et intellectuel, paraissent assez variés dans le patrimoine éducatif moaaga, de même le conte y tient une place de premier choix (4).
Pour terminer, notons que la vertu principale des contes, en tant que support pédagogique, tient de leur caractère cérémonial ou le merveilleux et l'imaginaire se retrouvent en établissant dans des rapports de complémentarité.
Par ailleurs, dans les "Contes en miroir" de Denise Paulme, on retrouve la structure du récit initiatique. Ainsi nous avons deux héros au départ ; le premier entreprend une quête en surmontant une série d'épreuves tout en évitant les pièges. Puis il revient gratifié de sa quête ; le second héros, jaloux du succès du premier, se lance aussi à la quête, mais il surmonte mal les épreuves et commet une série de bévues ; il est ensuite puni et mit à mort sous plusieurs chefs d'inculpation. Nous pensons notamment au célèbre conte de Bernard Dadié Le Pagne noir qui répond bien à la structure du conte en miroir (5 ).
Certains contes mettent davantage en scène des personnages qui consomment des quantités énormes de nourriture. Ce procédé que nous retrouvons dans certains contes moose est proche des prouesses alimentaires du personnage Gargantua de Rabelais qui, est en fait, semble un reflet du procédé fantasmatique du crève-la-faim qui permet par exemple en temps de famine ou de disette, d'exorciser le spectre de la faim.
(3). Cf. Y. TIENDREBEOGO , Contes du Larhallé Naaba, suivis d'un recueil de proverbes et de devinettes du pays mossi, (rédigés et présentés par Robert Pageard), Ouagadougou, Presses africaines, 1963, 215 p.
(4). A. BADINI, Système éducatif traditionnel Moaga (Burkina Faso) et action éducative scolaire (Essai d'une pédagogie de l'oralité), Thèse D'état, Lille III, 1990, p. 339, voir notamment le chapitre sur le conte et sa portée pédagogique, p. 338
 F- Typologie et taxinomie de la littérature orale africaine
2.2- Les transmetteurs de la tradition orale
III- Les enfants d'Afrique sahélienne et les traditions orales
1 -Situation actuelle
2- Place de la tradition orale dans la littérature africaine de jeunesse
3-Les valeurs de la tradition orale

  • La prudence indispensable à leur survie, la bonne mémoire, la générosité et la pudeur.
  • La ruse -sous une forme ou une autre- parce qu'elle est indispensable pour se défendre contre les forces brutales et malfaisantes de l'environnement.
  • Une bonne compréhension de la société dans laquelle ils sont appelés à vivre, notamment les attitudes et comportements de ses membres. On veut aider les enfants à trouver leur place dans cette communauté où chacun a une fonction spécifique à remplir. Aussi, la curiosité et l'originalité ne sont-elles pas encouragées.
  • La dignité
4  Perspectives
5- Culture scientifique et tradition orale
6- Conclusion

La littérature orale est aux sources des sociétés africaines ; d’une immense richesse, sa tradition continue de s’épanouir aujourd’hui, malgré l’industrialisation et l’urbanisation de l’Afrique postcoloniale.

1- Fonction sociale

La prééminence de la littérature orale en Afrique est liée surtout à sa fonction sociale. Les sociétés africaines, dans leur diversité, considèrent en effet la parole, le bien-dire, comme un élément fondamental de la cohésion du groupe. Ainsi, la parole quotidienne, usant de formules figées, de dictons et de références, apparaît encore aujourd’hui comme un vecteur privilégié des codes sociaux établis. Les rois et les chefs de l’Afrique traditionnelle ont d’ailleurs toujours marqué un grand intérêt pour la poésie orale, qu’ils encourageaient en souhaitant la maîtriser.

L’acte de parole, notamment dans son lien avec le pouvoir, qu’il soit coutumier ou sacré, possède également une fonction magique importante ; c’est le cas, par exemple, des incantations des guérisseurs et des sorciers, ou encore des termes tabous, considérés comme pouvant exercer une action directe sur le monde matériel et sur les événements.

2- Récits fondamentaux

La littérature orale africaine, contrairement à l’image déformée qu’en ont reçue les Occidentaux, n’est pas constituée que de genres dits « mineurs », comme le conte, la chanson ou le proverbe ; elle est faite aussi de textes fondamentaux, d’une grande portée spirituelle et intellectuelle.

Ainsi que l’a démontré l’ethnologue Marcel Griaule dans son livre sur les Dogon du Mali (Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, 1948), les mythes et légendes d’Afrique noire sont complexes et jouent un rôle fondateur, au même titre que les mythologies grecque et romaine. Considérés comme « vrais » par ceux qui les énoncent ou qui les écoutent, ils transmettent les croyances en des entités surnaturelles, relatent les origines du monde et font la chronique des clans et des principales formes d’organisation sociale.

Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.

La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
La littérature orale est aux sources des sociétés africaines ; d’une immense richesse, sa tradition continue de s’épanouir aujourd’hui, malgré l’industrialisation et l’urbanisation de l’Afrique postcoloniale.
1- Fonction sociale

La prééminence de la littérature orale en Afrique est liée surtout à sa fonction sociale. Les sociétés africaines, dans leur diversité, considèrent en effet la parole, le bien-dire, comme un élément fondamental de la cohésion du groupe. Ainsi, la parole quotidienne, usant de formules figées, de dictons et de références, apparaît encore aujourd’hui comme un vecteur privilégié des codes sociaux établis. Les rois et les chefs de l’Afrique traditionnelle ont d’ailleurs toujours marqué un grand intérêt pour la poésie orale, qu’ils encourageaient en souhaitant la maîtriser.

L’acte de parole, notamment dans son lien avec le pouvoir, qu’il soit coutumier ou sacré, possède également une fonction magique importante ; c’est le cas, par exemple, des incantations des guérisseurs et des sorciers, ou encore des termes tabous, considérés comme pouvant exercer une action directe sur le monde matériel et sur les événements.

2- Récits fondamentaux

La littérature orale africaine, contrairement à l’image déformée qu’en ont reçue les Occidentaux, n’est pas constituée que de genres dits « mineurs », comme le conte, la chanson ou le proverbe ; elle est faite aussi de textes fondamentaux, d’une grande portée spirituelle et intellectuelle.

Ainsi que l’a démontré l’ethnologue Marcel Griaule dans son livre sur les Dogon du Mali (Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, 1948), les mythes et légendes d’Afrique noire sont complexes et jouent un rôle fondateur, au même titre que les mythologies grecque et romaine. Considérés comme « vrais » par ceux qui les énoncent ou qui les écoutent, ils transmettent les croyances en des entités surnaturelles, relatent les origines du monde et font la chronique des clans et des principales formes d’organisation sociale.

Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.

La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
1- Fonction sociale
La prééminence de la littérature orale en Afrique est liée surtout à sa fonction sociale. Les sociétés africaines, dans leur diversité, considèrent en effet la parole, le bien-dire, comme un élément fondamental de la cohésion du groupe. Ainsi, la parole quotidienne, usant de formules figées, de dictons et de références, apparaît encore aujourd’hui comme un vecteur privilégié des codes sociaux établis. Les rois et les chefs de l’Afrique traditionnelle ont d’ailleurs toujours marqué un grand intérêt pour la poésie orale, qu’ils encourageaient en souhaitant la maîtriser.

L’acte de parole, notamment dans son lien avec le pouvoir, qu’il soit coutumier ou sacré, possède également une fonction magique importante ; c’est le cas, par exemple, des incantations des guérisseurs et des sorciers, ou encore des termes tabous, considérés comme pouvant exercer une action directe sur le monde matériel et sur les événements.

2- Récits fondamentaux

La littérature orale africaine, contrairement à l’image déformée qu’en ont reçue les Occidentaux, n’est pas constituée que de genres dits « mineurs », comme le conte, la chanson ou le proverbe ; elle est faite aussi de textes fondamentaux, d’une grande portée spirituelle et intellectuelle.

Ainsi que l’a démontré l’ethnologue Marcel Griaule dans son livre sur les Dogon du Mali (Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, 1948), les mythes et légendes d’Afrique noire sont complexes et jouent un rôle fondateur, au même titre que les mythologies grecque et romaine. Considérés comme « vrais » par ceux qui les énoncent ou qui les écoutent, ils transmettent les croyances en des entités surnaturelles, relatent les origines du monde et font la chronique des clans et des principales formes d’organisation sociale.

Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.

La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
La prééminence de la littérature orale en Afrique est liée surtout à sa fonction sociale. Les sociétés africaines, dans leur diversité, considèrent en effet la parole, le bien-dire, comme un élément fondamental de la cohésion du groupe. Ainsi, la parole quotidienne, usant de formules figées, de dictons et de références, apparaît encore aujourd’hui comme un vecteur privilégié des codes sociaux établis. Les rois et les chefs de l’Afrique traditionnelle ont d’ailleurs toujours marqué un grand intérêt pour la poésie orale, qu’ils encourageaient en souhaitant la maîtriser.
L’acte de parole, notamment dans son lien avec le pouvoir, qu’il soit coutumier ou sacré, possède également une fonction magique importante ; c’est le cas, par exemple, des incantations des guérisseurs et des sorciers, ou encore des termes tabous, considérés comme pouvant exercer une action directe sur le monde matériel et sur les événements.

2- Récits fondamentaux

La littérature orale africaine, contrairement à l’image déformée qu’en ont reçue les Occidentaux, n’est pas constituée que de genres dits « mineurs », comme le conte, la chanson ou le proverbe ; elle est faite aussi de textes fondamentaux, d’une grande portée spirituelle et intellectuelle.

Ainsi que l’a démontré l’ethnologue Marcel Griaule dans son livre sur les Dogon du Mali (Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, 1948), les mythes et légendes d’Afrique noire sont complexes et jouent un rôle fondateur, au même titre que les mythologies grecque et romaine. Considérés comme « vrais » par ceux qui les énoncent ou qui les écoutent, ils transmettent les croyances en des entités surnaturelles, relatent les origines du monde et font la chronique des clans et des principales formes d’organisation sociale.

Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.

La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
L’acte de parole, notamment dans son lien avec le pouvoir, qu’il soit coutumier ou sacré, possède également une fonction magique importante ; c’est le cas, par exemple, des incantations des guérisseurs et des sorciers, ou encore des termes tabous, considérés comme pouvant exercer une action directe sur le monde matériel et sur les événements.
2- Récits fondamentaux

La littérature orale africaine, contrairement à l’image déformée qu’en ont reçue les Occidentaux, n’est pas constituée que de genres dits « mineurs », comme le conte, la chanson ou le proverbe ; elle est faite aussi de textes fondamentaux, d’une grande portée spirituelle et intellectuelle.

Ainsi que l’a démontré l’ethnologue Marcel Griaule dans son livre sur les Dogon du Mali (Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, 1948), les mythes et légendes d’Afrique noire sont complexes et jouent un rôle fondateur, au même titre que les mythologies grecque et romaine. Considérés comme « vrais » par ceux qui les énoncent ou qui les écoutent, ils transmettent les croyances en des entités surnaturelles, relatent les origines du monde et font la chronique des clans et des principales formes d’organisation sociale.

Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.

La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
2- Récits fondamentaux
La littérature orale africaine, contrairement à l’image déformée qu’en ont reçue les Occidentaux, n’est pas constituée que de genres dits « mineurs », comme le conte, la chanson ou le proverbe ; elle est faite aussi de textes fondamentaux, d’une grande portée spirituelle et intellectuelle.

Ainsi que l’a démontré l’ethnologue Marcel Griaule dans son livre sur les Dogon du Mali (Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, 1948), les mythes et légendes d’Afrique noire sont complexes et jouent un rôle fondateur, au même titre que les mythologies grecque et romaine. Considérés comme « vrais » par ceux qui les énoncent ou qui les écoutent, ils transmettent les croyances en des entités surnaturelles, relatent les origines du monde et font la chronique des clans et des principales formes d’organisation sociale.

Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.

La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
La littérature orale africaine, contrairement à l’image déformée qu’en ont reçue les Occidentaux, n’est pas constituée que de genres dits « mineurs », comme le conte, la chanson ou le proverbe ; elle est faite aussi de textes fondamentaux, d’une grande portée spirituelle et intellectuelle.
Ainsi que l’a démontré l’ethnologue Marcel Griaule dans son livre sur les Dogon du Mali (Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, 1948), les mythes et légendes d’Afrique noire sont complexes et jouent un rôle fondateur, au même titre que les mythologies grecque et romaine. Considérés comme « vrais » par ceux qui les énoncent ou qui les écoutent, ils transmettent les croyances en des entités surnaturelles, relatent les origines du monde et font la chronique des clans et des principales formes d’organisation sociale.

Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.

La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
Ainsi que l’a démontré l’ethnologue Marcel Griaule dans son livre sur les Dogon du Mali (Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, 1948), les mythes et légendes d’Afrique noire sont complexes et jouent un rôle fondateur, au même titre que les mythologies grecque et romaine. Considérés comme « vrais » par ceux qui les énoncent ou qui les écoutent, ils transmettent les croyances en des entités surnaturelles, relatent les origines du monde et font la chronique des clans et des principales formes d’organisation sociale.
Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.

La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
Dans toute l’Afrique de l’Ouest, dans l’aire culturelle mandingue, les griots, chanteurs « passeurs » de la tradition orale, mais surtout historiens, se transmettent de génération en génération des récits épiques (comme l’épopée mandingue transcrite notamment par l’écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, 1960), ainsi que des généalogies et des panégyriques des familles de leur région.
La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.

3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
La littérature orale suppose ainsi un prodigieux travail de conservation et d’éducation, qui implique tous les individus d’une société, non seulement dans le devoir de mémoire, mais aussi dans le processus créatif.
3- Genres « mineurs » : contes et fables

Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
3- Genres « mineurs » : contes et fables
Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
Les contes populaires et les fables relèvent, eux, de l’imaginaire ; ils sont utilisés dans l’éducation des enfants, comme les comptines ou les récits rituels d’initiation au sexe ou à la chasse. Les chants, omniprésents dans la tradition orale, servent à ponctuer les guerres, les deuils, les mariages et plus généralement les cérémonies de la vie quotidienne (notamment celles liées au travail agricole).
Les genres de la littérature orale
3-    Les circonstances d’énonciation
4-    Une littérature engagée
5-    Caractéristiques de la littérature orale
1-      Parole ordinaire / parole sacrée
2-      Règles et interdits
3-    Parole et action
4-    Parole et unité culturelle
5-    Parole et savoir
6-    Parole et gestes
7-    La parole et la tradition
Conteur amateur ou conteurs professionnels ?
b)    Conteurs professionnels
  Les mâbo Ces griots sont généralement rattachés à une grande famille dont ils connaissent parfaitement la généalogie. Ils rapportent l’histoire de la famille en s’accompagnant d’un luth. Leur répertoire est constitué de récits glorieux ou édifiants qui mettent en scène un héros célèbre de la tradition épique ou un héros historique. Les mâbo sont aujourd’hui des conteurs itinérants pour les Nobles ou alors restent attachés à une seule famille. Ils remplissent les fonctions d’un clerc conservateur des archives d’une grande famille. Les mâbo ont une grande culture coranique, ils connaissent la théologie et le droit musulman et participent très généralement aux discussions avec les érudits lettrés musulmans.
  Les gawlo Ces conteurs connaissent très bien la tradition mais l’utilisent d’une manière détournée pour leurs propres intérêts. Ils ne parlent que pour obtenir des présents et de l’argent. Ils ne se taisent qu’à cette condition. S’il arrive qu’un gawlo ne soit pas satisfait de son indemnisation, il se sert de ses connaissances de l’interlocuteur pour le couvrir de sarcasmes, de chansons satiriques ou de pamphlets.
  Les tiapoura Tiapoura en peul signifie " ceux qui n’ont pas honte de pêter " . Ces griots se placent tout en bas de la hiérarchie des griots. Ils jouissent d’une extrême liberté dans la parole et dans leur manière d’être. Leur répertoire est constitué principalement d’obscénités. Ces conteurs par leur frivolité libèrent la société de toutes les pressions et les tensions sociales. Chez les Dogons, le griot est lui aussi généalogiste, poète et musicien ? Comme chez les Peuls, il vit essentiellement de ce que lui rapporte son art. Sa parole n’est pas négative, elle est généralement plaisante, mais il ne lui est accordée aucun crédit car elle est comme la parole des femmes : " agréable et trompeuse ". Le griot est souvent considéré comme un menteur. Au Sud-Cameroun et au Gabon, le conteur professionnel est appelé " mbômmvet ". C’est un homme libre qui doit son grand prestige à ses ancêtres. Il se situe au-dessus de tous les clans et préside à la plupart des cérémonies initiatiques. Habillé de façon très excentrique (coiffure en plume, manteau en peau de genettes, cache-sexe en pagne d’écorce, collier en cauris), il joue du mvet et interprète des compositions de style lyrique, épique, voire satirique. Colporteur de nouvelles, il est aussi animateur culturel et médiateur des conflits. Ces exemples, même s’ils ne concernent que trois sociétés sont représentatifs de la condition du griot en Afrique. A la fois admiré et haï, au service de rois ou mendiant, le griot a un rôle important dans les sociétés orales : il détient la parole traditionnelle.
c)     L’art de conter
  « Madame, je cherche mes moutons, leurs traces m’ont conduit jusqu’à votre champ. Est-ce que vous ne pourriez pas m’aider à les retrouver ? D’ailleurs, on les reconnaît bien mes moutons, parmi eux, il y a un mouton blessé. Madame si vous m’aidez à retrouver mes moutons, je vous donnerez ce mouton blessé vous pourrez toujours vous en servir. »
  « Mon champ s’arrête là-bas. » Le monsieur a suivi la direction indiquée par la dame et par un curieux hasard il trouva ses moutons en train de brouter tranquillement derrière un buisson. Tout content il les rassembla et est venu remettre à la dame le mouton blessé. Mais celle-ci, n’ayant rien entendu, rien compris, elle a pensé que ce monsieur l’accusait d’avoir blessé son mouton. Alors elle s’est fâchée :
  « Monsieur, je n’ai pas blessé votre mouton. Allez accuser qui vous voulez mais pas moi. D’ailleurs des moutons, je n’en ai jamais vus. » Le monsieur quand il a vu que la femme se fâchait, il a pensé que cette femme ne voulait pas de ce mouton mais qu’elle voulait d’un mouton plus gros. Et à son tour, il se fâcha :
  « Madame, c’est ce mouton que je vous ai promis. Il n’est pas du tout question que je vous donne le plus gros de mes moutons. » Tous les deux il se fâchèrent, ils se fâchèrent à un tel point qu’ils finirent par arriver au tribunal. Et le tribunal dans cette Afrique d’il y a longtemps, cela se passait sur la place du village, à l’ombre d’un grand arbre, l’arbre à palabres le plus souvent un baobab. Et le juge, lui qui était en même temps le chef du village il était là entouré de tout ces gens qu’on appelle les notables. La dame et le monsieur sont arrivés tout en continuant leur querelle. Et après les salutations c’est elle qui parla la première :
  « Ce monsieur m’a trouvé dans mon champ, il m’a demandé jusqu’où mon champ s’arrêtait. Je lui ai montré et j’ai repris mon travail. Ce monsieur est parti et quelques instants après il est revenu avec un mouton blessé m’accusant de l’avoir blessé. Or moi je jure que des moutons j’en ai jamais vus. Voilà pourquoi on est ici monsieur le juge. » C’était au tour du monsieur :
  « Je cherchais mes moutons, dit-il, et leurs traces m’ont conduit jusqu’au champ de cette dame. A cette dame j’ai dit que si elle m’aidait à retrouver mes moutons je lui donnerais un d’entre eux mais j’ai bien précisé le mouton blessé. Elle m’a montré mes moutons, c’est ce mouton blessé que je lui ai donné. Elle veut un mouton plus gros. Pensez-vous que je vais lui donner le plus gros de mes moutons à deux pas de la fête des moutons ? » Le juge se leva. Il était aussi sourd qu’un pot. Et quand il a vu l’enfant sur le dos de sa mère il a pensé qu’il ne s’agissait là que d’une petite querelle de ménage. Alors il s’adressa au monsieur :
  « Monsieur. Cet enfant est votre enfant. Regardez d’ailleurs comment il vous ressemble. A ce qu’il me semble vous êtes un mauvais mari. Et vous madame, des petits problèmes comme cela. Ce n’est pas la peine de venir jusqu’ici étaler ça devant tout le monde. Rentrez chez vous ! Je souhaite que vous vous réconciliez. » Ayant entendu ce jugement, tout le monde éclata de rire. Et le rire contamine le juge, la dame et le monsieur. Que firent-ils ? Ils éclatèrent de rire bien que n’ayant rien compris. Et c’est à partir de là que le conte pose sa question : Le conte voudrait savoir, lequel de ces trois est le plus sourd ?
Il vaut mieux ne pas se dépêcher de donner une réponse. On conseille quelque part en Afrique, d’avoir le cou aussi long que celui du chameau, afin que la parole avant de jaillir puisse prendre tout son temps.
  Eh, toi volaille, viens ici que je te mange.
  Je ne descend pas aujourd’hui, je ne descend pas demain. Elle repris encore :
  J’ai fini de manger tous tes parents.
  Je ne descend pas aujourd’hui, je ne descend pas demain.
  J’ai fini de manger tous tes frères et sœurs.
  Je ne descend pas aujourd’hui, je ne descend pas demain.
  J’ai fini de manger tous tes amis.
  Je ne descend pas aujourd’hui, je ne descend pas demain.
  J’ai fini de manger tout tes voisins, tout tes congénères.
  Je ne descend pas aujourd’hui, je ne descend pas demain. Devant cette attitude du coq la hyène piqua une vive colère et lança : "Je ne te comprend même pas toi, Je te dit que j’ai tout mangé chez toi. J’ai même mangé tout ton espoir." Dès qu’elle eut lancé cette phrase, le coq sauta a terre et vint se présenter devant la hyène en lui tenant ce langage : "Eh bien.. ! Tu as gagné, il ne te reste qu’à me manger moi même maintenant." Cette attitude troubla encore la hyène qui domina sa faim et demanda au coq le pourquoi de cette décision subite. Le coq lui dit : "Toi la hyène, certains n’ont pas de père, et pourtant ils vivent, n’est-ce pas. D’aucun n’ont pas de mère, ils vivent bien aussi. Il y’en a même qui n’ont ni parents, ni amis, mais ils s’en sortent. Mais quand on n’a plus d’espoir, il n’y a pas d’issu. Puisque tu as mangé tout mon espoir, il ne me reste plus rien. Tu peux donc me manger moi aussi." La hyène réfléchis, elle qui se promène dans cette brousse toutes les saisons, elle n’a jamais pensé fonder son espoir sur quelqu’un ou quelque chose. Il décida alors de faire du coq son espoir. Et c’est depuis ce jour qu’à l’approche du jour, le coq averti la hyène. Et c’est encore depuis ce jour que la hyène ne mange jamais de coq.
  Si, dit l’âne, à condition que tu ne me fasses pas de mal après.
  Si tu me sors, je ne te ferai pas de mal. » L’âne laissa pendre sa queue dans le puits et la hyène s’y aggripant en sorit. Sitôt qu’elle fut dehors : « Je vais te manger, dit-elle à l’âne, car j’ai faim.
  Je t’ai fait du bien, dit l’âne résigné, tu me fais du mal, mais Dieu te punira ! » A ce moment-là, survint le lièvre : « Qu’est-ce qu’il y a ? », dit le lièvre. L’âne expliqua l’affaire. « Ce n’est pas vrai tout cela, dit le lièvre. Il est impossible que la hyène soit sortie du puits avec ta queue.
  Si, c’est vrai, dit l’âne.
  Est-ce vrai ? dit le lièvre en se tournant vers la hyène.
  Oui, c’est vrai, dit la hyène.
  Non, ce n’est pas vrai, dit le lièvre, c’est impossible.
  Eh bien tu vas voir, dit la hyène piquée. » Et elle descendit dans le puits en servant toujours de la queue de l’âne. Quand elle y fut, s’apprêtant à remonter : « Mon ami, dit le lièvre à l’âne, ne connais-tu pas un chemin direct pour retourner chez toi ?
  Si, dit l’âne « et il s’enfuit. Le lièvre s’en alla à son tour et la hyène restée dans le puits y creva.
  Je cherche un bracelet auquel je tiens beaucoup.
  Si tu me récompenses, dit le chien, je t’aiderai.
  Si tu le trouves, je te donnerai tout ce que tu veux, dit l’homme. " Le chien, flairant bien, cherchait partout avec son nez. Il finit par tomber sur la case construite par la femme et, ne pouvant entrer, appela l’homme. " Ton bracelet est là, dit-il, mais je ne peux pas entrer. Comment allons-nous faire ?
  Que faites-vous ici ? " dit le chat qui passait. Le chien et l’homme expliquèrent leur embarras. " Je peux faire un trou, dit le chat, mais que me donneras-tu ?
  Si tu vois seulement mon bracelet, dit l’homme, je te donnerai tout ce que tu voudras. " Le chat fit un trou, parvint dans la case et vit le bracelet attaché en haut de celle-ci. Il sortit pour dire à l’homme et au chien que le bracelet était bien là, mais qu’il ne pouvait pas l’attraper. La souris survint et dit : 3 ce ne sera qu’un jeu pour moi de faire tomber le bracelet. O homme, si je le fais, qu’est-ce que tu me donneras ?
  Tout ce que tu voudras, dit l’homme. " La souris entra dans la case, grimpa, fit tomber le bracelet. Puis elle sortit : J’ai fait tomber le bracelet par terre, mais je ne peux pas le sortir parce qu’il est trop lourd pour moi.
  A mon tour ! " dit le chien. Et il le rapporta. Dès que l’homme eut son bracelet en main il redevint riche. Les troupeaux arrivaient de tous côtés. Les richesse affluaient. L’homme regagna sa case, emmenant avec lui le chien, le chat et la souris. Depuis ce temps-là, le chien ne vit plus dans la brousse, mais chez l’homme qui lui donne de la viande. Le chat ne vit plus dans la brousse,mais chez l’homme qui lui donne du lait ; la souris ne vit plus dans la brousse, mais chez l’homme qui lui donne des arachides - et tous sont heureux ! - excepté la femme justement, car depuis ce temps-là, l’homme a perdu confiance en elle.
  Tous les jours, on venait abîmer mon mil. Je me suis mis là pour savoir qui c’était, mais si j’avais su que c’était vous, les éléphants, je ne serais certainement pas venus. " Les éléphant, flattés, lui dirent : " Ta réponse nous plaît. Demande-nous ce que tu veux. Nous te le donnerons. " Alors l’homme dit : " Je n’ai besoin de rien pour moi, mais ma femme, chaque fois qu’elle a un enfant, le voit mourir. Je voudrais bien que cela n’arrive plus.
  Très bie, dit l’éléphant,je vais te donner un remède pour cela ? " Il lui donna une chaîne en fer et lui dit : " Quand tu iras chez toi, frappe la tête de ta femme avec cette chaîne. La chaîne disparaîtra alors. Et, si ta femme a un enfant ensuite, il ne mourra plus. " L’homme revint chez lui, frappa la tête de sa femme avec la chaîne et la chaîne disparut. La femme eut ensuite un enfant. Le jour où elle accoucha, on trouva la chaîne en fer au cou de l’enfant. Clui-ci survécut. Depuis cette époque, les femmes cherchent les remèdes pour mettre au cou de leurs enfants pour qu’ils ne meurent pas.
  Bon ", dit l’homme. Le lendemain il partit à la chasse avec son arc et ses flèches qu’il avait jusque-là cachées soigneusement de peur que s’ils ne voyaient ces armes les animaux ne le tuassent. Il attrapa et rapporta une biche. Quand les animaux virent cela, ils s’étonnèrent et lui demandèrent comment il avait tué la biche. " J’ai ma manière, dit l’homme, mais je ne vous le dirai pas. " Les animaux s’adressèrent au singe : " Suis-le dans la brousse quand il partira demain et vois comment il fait pour tuer les biches. Ensuite tu nous le diras. " Ainsi fut fait. L’homme tira une flèche de son carquois et l’ajusta à son arc. Le singe monta dans un arbre pour mieux observer. Quand l’homme banda l’arc et lança la flêche, la biche fut tuée. Le singe descendit aussitôt de son arbre et regagna en courant le village : " Cet homme est vraiment redoutable, dit-il aux animaux. Quand il tend son bras vers quelqu’un ce quelqu’un tombe mort ! " L’homme rapporta la biche sur son dos mais quand il leva le bras pour la saisir et la jeter à terre, tous les animaux crurent qu’il voulait tendre le bras vers eux pour les tuer et s’enfuirent. A partir de ce jou-là les grands animaux ne quittèrent plus la brousse et l’homme commande désormais le village.
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Ces récits étaient pleins de sagesse et faisaient la joie des jeunes quand ils en entendaient les paroles.

Ci-dessous un copier - coller d'un texte trouvé sur la littérature orale africaine.
Ces récits étaient pleins de sagesse et faisaient la joie des jeunes quand ils en entendaient les paroles.
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NOTES


16 - Typologie et taxinomie de la littérature orale africaine
La littérature orale africaine a été investie comme un champ d'étude très fertile pour l'élucidation et la compréhension de la culture africaine. Ainsi les travaux ethnolinguistiques de Calame Griaule sur la culture africaine, notamment dogon, ont permis de souligner la vision du monde de cette société (1). Les textes recueillis sont l'objet d'études et révèlent des compléments d'informations tant au niveau matériel que religieux, historique, technique, social, scientifique. La littérature orale permet ainsi de transmettre tous ces messages par l'entremise des thèmes et des différents genres oraux propres à la culture donnée. C'est ainsi qu'au niveau verbal chaque culture possède sa propre classification des genres oraux qui ne correspond pas toujours à la taxinomie et à la typologie occidentale. Par exemple, certaines cultures ne font pas la distinction entre conte et mythe.
"La manipulation de la parole n'est donc en aucune façon le fruit du hasard, mais elle fait au contraire l'objet de soins constants dans le processus d'éducation et de perfectionnement des individus"(2 ).
C'est ainsi que l'on va distinguer différentes fonctions assignées au message de la littérature orale africaine qui va souvent revêtir selon les cas les aspects : ludique, pédagogique, idéologique, initiatique, fantasmatique (3 ).


Pendant longtemps, l'Afrique a été considérée comme un continent barbare, car ne possédant pas d'écriture largement répandue.
En effet, selon les européocentristes de l'époque, "l'acte écrit est le support principal qui intervient dans la fixation des réalisations jugées fondamentales". Dès lors, les sociétés africaines n'étant pas caractérisées par l'écrit, l'existence d'une histoire africaine devient improbable, les sources orales n'étant pas dignes de foi.
Les africains ont multiplié investigations sur investigations, et ont pu trouver des preuves vérifiant la thèse de la tradition orale comme une des sources de l'histoire africaine.
Depuis, nous assistons à un véritable regain d'intérêt des "sociétés détenant le monopole de l'écriture" pour l'histoire de l'Afrique, en particulier pour la tradition orale dont ils veulent désormais connaître toutes les valeurs, tous les enseignements.
Le thème choisi pour ce pré-séminaire longtemps après que la polémique tradition orale-écriture soit dépassée n'en est-il pas une illustration ?
Dans cette communication sur l'importance de la tradition orale pour les enfants : cas des pays du Sahel, nous nous efforcerons de traiter de la tradition orale en Afrique, du rapport enfants africains et tradition orale, avant d'insister sur les valeurs véhiculées par la tradition orale et de proposer des perspectives pour une cohabitation possible de la tradition orale et de la culture moderne .
La tradition orale est un témoignage qu'une génération transmet à la suivante, ce qui comprend non seulement ce que l'on raconte des événements du passé, mais aussi toute une littérature orale où l'imagination a sa part. Il ne faut pas envisager l'oralité comme l'absence d'écriture, ce qui serait la définir de façon négative, par un manque; en réalité, la tradition africaine de littérature orale est aussi riche en contenu et en variété que celle de n'importe quelle autre sphère culturelle qui utilise l'écriture.
Cependant, son étude fait l'objet d'une méthodologie différente qui doit s'accommoder de la forme même de la transmission des traditions, mythes, contes, etc.
Cette tradition est moins connue du monde occidental que l'art africain, car elle a été peu étudiée et n'a pas connu les mêmes formes de diffusion. Les récits en prose – mythes, légendes, contes folkloriques, anecdotes et plaisanteries – sont les formes de littérature orale qui ont fait l'objet de la plus vaste collecte, mais on trouve dans la société africaine d'autres formes d'expression, tout aussi importantes. Ce sont les proverbes, les devinettes, les textes de chanson et de drames, la poésie, les noms faisant l'éloge des individus (titres honorifiques), et les phrases très difficiles à prononcer. Ces formes à la base homogène sont remarquablement vivaces, même auprès des habitants des villes malgré les rapides évolutions culturelles que connaissent les zones urbaines. De fait, certains gouvernements se sont appuyés sur la littérature traditionnelle pour promouvoir des idées d'identité et de solidarité nationalistes. L'influence de l'héritage oral se fait nettement ressentir dans les thèmes, le style, et l'esprit des oeuvres de nombreux écrivains contemporains.

Le contenu de la tradition orale africaine se caractérise par une grande diversité : annoncer les genres qui suivent.
a) Le conte et la fable
LÉGENDES                                                                                                                                             
- Genres : légende dorée, légendaire toponymique, légendaire historique, légendes urbaines, légendes contemporaines...                                                           
- Définitions : récits relatifs à un lieu, un personnage, un événement réel ayant réellement existé.
- Fonctions : organisation de l'espace et du temps, gestion par le récit des peurs relatives à certaines croyances populaires.

CONTES                                                                                                                                                  
- Genres : récits de fiction :              
                       * pour rire (facétieux)
- Fonctions : au travers de ces diverses formes, la communauté transmet et questionne ses normes et ses valeurs tout en initiant les enfants au monde des adultes.

FABLES ET PAROLES                   
Récits à vocation exemplaire ou morale faisant parfois intervenir des animaux à la place des hommes. Ils peuvent de temps à autre prendre des aspects satiriques (fabliaux médiévaux).

CHANTS                                               
- Genres : chants de travail, chants de métier, chants de danse, hymnes, chants enfantins, chants de conscrits...
- Fonctions : ils sont plus porteurs d'émotion directe que les autres formes. Les chants servent aussi à rythmer un travail, mais aussi à parler d'un métier, d'une corporation, d'une spécificité communautaire, à endormir les enfants, à faire danser...

PETITES FORMES                                                                                                                                   
- Genres : proverbes, dictons, virelangues, devinettes, énigmes, jeux de doigts...
- Fonctions : pour apprendre la langue, les sciences naturelles, les normes et les valeurs ...

Le conte est l'élément le plus connu de la tradition orale. Il est généralement défini comme un récit d'aventures imaginaires à vocation didactique.
Il est populaire, c'est-à-dire créé par et pour le peuple: il naît et vit de la collaboration entre le peuple auditeur et le conteur respectueux de son idéologie, de sa culture. Traditionnel, il se transmet oralement de génération en génération. Il dépend étroitement de la culture et de la géographie physique du peuple qui l'a produit.
Il est généralement dit aux jeunes par les anciens, à la tombée de la nuit. Parmi les nombreuses explications sur le moment d'énonciation du conte, retenons celle ci: "La nuit est plus propice au rêve et à l'imagination créatrice, et l'esprit est plus libre après les travaux et les soucis diurnes"2.
La fable ne diffère pas tellement du conte. C'est un récit imaginaire ou mythologique destiné à illustrer un précepte. Le récit, souvent court et humouristique, peut être assimilé à une anecdote.
b) Le mythe
On a estimé qu'il existait en Afrique plus de deux cent cinquante mille mythes, légendes et contes populaires. Dans la plupart des récits en prose, on remarque le même genre – des intrigues – et le même contenu – péripéties, personnages et objets – que ceux que l'on retrouve dans d'autres sphères culturelles de l'Ancien Monde, unité résultant du brassage des cultures. Pourtant, chaque société africaine a modelé ces éléments au sein de sa propre littérature, en fonction de ses propres modes de pensée, comme le dit un initié peul: «Le savoir est connaissance de l'homme, mais aussi de tout ce qui n'est pas l'homme, car il lui a été donné de connaître ce qui n'était pas lui»
(Amadou Hampaté Bâ, Koumen). Parmi les plus célèbres mythes transcrits par des ethnologues figurent les mythes dogons; dans leur ouvrage le Renard pâle, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen définissent ainsi les mythes: des «explications indigènes des manifestations de la nature (anthropologie, botanique, zoologie, géologie, astronomie, anatomie et physiologie) comme des faits sociaux (structures sociales, religieuses et politiques, techniques, arts, économie, etc.)». Les mythes et les légendes sont donc rarement différenciés de l'Histoire dans les classifications indigènes, mais considérés au contraire comme de vrais récits historiques que l'on distingue des contes populaires, supposés fictifs. Les contes magiques mettant en scène des animaux comme la tortue, le lièvre, le lapin, le chevreau ou l'araignée sont les plus connus des récits africains.
Dans les récits magiques mettant en scène des hommes et des dieux, on trouve principalement des rois et des roturiers, des jumeaux, des chasseurs, des ogres, et le «petit peuple».
Le mythe est une longue narration qui est objet de solide croyance pour le peuple qui l'a produit. En effet, à la différence du conte dans lequel le partage du réél et de l'irréél tend à s'équilibrer, le mythe, lui, est intimement lié au surnaturel. Dans l'Afrique traditionnelle le mythe est considéré comme "la parole sérieuse" de laquelle on n'ose pas douter. Ainsi, dès que le mythe commence à se désacraliser, il peut être considéré comme une légende. Il a lontemps été réservé à des auditoires choisis, à des cercles d'initiés, jusqu'à la disparition des religions auquel il était lié.  Le terme mythe n'’apparaît qu'’en 1803 dans la langue française, il concurrence alors le mot de “fable”. Il n’'est admis par l’'Académie qu’'en 1835. Ce terme est un emprunt au bas latin mythos (fable, récit fabuleux), lui-même d’'origine obscure (muthos signifie “discours”, tout comme le logos). Ce muthos étant de la famille des verbes muthéô et muthéomai qui signifient “parler, converser, dire, raconter, exposer” et “parler en soi-même” : c’'est-à-dire “réfléchir”. Nous sommes bien dans le domaine du dire et de l’'oral. Les Grecs des VIème et Vème siècles avant notre ère, employaient indifféremment mythos et logos. Au Vème siècle de notre ère, logos représentera un récit “vérifiable”, tandis que par muthos, on entendra plutôt une “tradition fabuleuse“, une fable. Pendant longtemps, la confusion règnera entre fable et mythe. Les dictionnaires du XIXème siècle continueront encore longtemps à maintenir la confusion.
Mythologie, apparue en 1403, pour désigner l’'étude des choses fabuleuses est un emprunt au grec mythologia. Aux XVIème et XVIIème siècles, la mythologie devient “l’'explication des fables”, au XIXème siècle mythologie prend un double sens “histoire fabuleuse des dieux, des demi-dieux et des héros de l’'Antiquité” et comme “science, explication des mystères et des fables du paganisme”. La mythologie devient donc une matière et son étude. À cette époque, aucune “science” de la mythologie n’'était encore constituée et le mythe était toujours considéré comme des visions irrationnelles et vicieuses du monde. Jusqu'’en 1911, de nombreuses dénonciations de la mythologie “païenne” comme étant de grossières créations imputables aux préjugés du peuple sont publiées. Au XXème sciècle, Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss élèvent l’'étude des mythes à l’'échelon d’'une véritable science                    
Mots-clefs : chaos initial, cosmogonie (mise en ordre du cosmos), théogonie (création des dieux), anthropogonie (création de l'humain), eschatologie (fin du monde, fin du temps). 
- Fonctions : influencent l'édification des pensées communautaires, régissent les rapports entre l'homme et le surnaturel et sont à la base des religions.         
- Tout mythe peut donc être considéré comme un des éléments fondateurs de l'’organisation religieuse, philosophique et sociale d'’un groupe humain.
- Les mythes revêtent souvent un caractère sacré et de ce fait, sont soumis à une ritualisation. Tout le monde ne peut pas “dire” un mythe (seuls les initiés peuvent le formuler). Ces récits sont dits généralement selon un calendrier, dans des lieux consacrés, dans un temps précis. Parfois, ils sont fixés dans une liturgie. La plupart des récits mythologiques sont moins sujets que d'’autres à des variantes excessives. Ils sont objets de foi, de croyances profondes.
- Eschatologie
Mythe de la fin du monde.
c) L'épopée et les généalogies   
- Mots-clefs : héros, conflit, défi, épique, savoir-vivre, savoir-mourir.                                         
- Fonctions : créées quand un groupe humain prend conscience de lui-même et légitiment l'existence d'une communauté sur un territoire.
L'épopée ou encore récit épique relate les exploits de héros qui ont rééllement existé et qui ont joué un rôle prépondérant dans l'histoire d'un peuple, d'une ethnie. Leurs aventures ont été embellies de façon à créer des modèles pleins d'enseignement (Samba Guéladio Diégui par exepmple).
Les généalogies sont l'histoire détaillée d'une dynastie, d'un peuple. Destinées à plaire, l'épopée et les généalogies sont souvent chantées par les griots ou dites au son d'un instrument de musique. Elles peuvent fournir des chiffres et des dates aux historiens, ainsi que des listes de noms.
d) Proverbes, devinettes et énigmes
1-      Proverbes, devinettes et contes
Les proverbes sont souvent employés pour renforcer des arguments, et pour enrichir la conversation. Les utiliser avec habileté est, dans les sociétés africaines, un signe d'érudition et d'élégance dans l'expression. De nombreux proverbes sont très subtils, et ne peuvent être compris que par les auditeurs familiarisés avec la culture de celui qui les énonce; aussi, l'étude des proverbes offre-t-elle une vision précise des valeurs de base d'un groupe culturel.
Les devinettes ont été beaucoup moins étudiées que les proverbes, car elles sont principalement utilisées par les enfants. Elles sont plutôt formulées comme des assertions que comme des questions, et la relation entre l'interrogation et la réponse peut être subtile au point de nécessiter une connaissance approfondie de la matrice culturelle. On rencontre aussi des devinettes d'intonation (assertions reliées entre elles uniquement par la similarité de l'intonation), ou des devinettes-proverbes (adages liés par le sens, mais qui peuvent être utilisés indépendamment). Parfois les devinettes ne sont pas destinées à surprendre l'auditoire, mais à établir une sorte de dialogue social, dans lequel les réponses sont connues de tous, et proférées à l'unisson. Dans la plupart des sociétés africaines, la plupart des membres du groupe connaissent les devinettes.
Le conte, élevé en Afrique au rang des beaux-arts, peut, dans certaines sociétés, être rapporté par des conteurs professionnels. Les contes populaires sont généralement racontés le soir durant la saison sèche, et l'interaction entre le narrateur et l'auditoire atteint souvent des sommets d'intensité dramatique. Le bon conteur est un acteur consommé, utilisant ses mains, sa voix et son corps pour renforcer ses effets, quand il mime les tours du magicien, ou la traque du chasseur. Les devinettes précèdent souvent la narration, et le conte est ponctué de musique et de chants, avec la participation du public. L'auditoire peut répondre à une question du narrateur, ou faire office de chœur en accompagnant les chansons en solo. Au fur et à mesure du déroulement de l'histoire, le public peut manifester son approbation ou critiquer le narrateur s'il juge sa performance insatisfaisante.
Les proverbes sont des vérités imagées auxquelles le conte sert le plus souvent d'illustration. Certains conteurs disent le proverbe avant de le développer à l'aide du conte. Les proverbes sont souvent dits aux jeunes par les anciens, qui aiment de nos jours encore en orner leur discours : ils connotent l'éloquence et la sagesse.
Les devinettes et les énigmes sont du genre "jeu de cache-cache par la parole" auquel se livrent grands-parents et petits-enfants. Dans certaines sociétés, elles se pratiquent exclusivement entre jeunes.
Notons qu'il ne se crée plus de devinettes ni de proverbes.
e) Les chants
Les chants occupent une place importante dans le répertoire de la littérature orale africaine. Certains ont même défini le chant comme étant "la parure" du verbe. Les chants interviennent à tous les moments de la vie, surtout à l'occasion des cérémonies rituelles (moissons, circoncisions, etc). Décryptés, ils servent aujourd'hui aux ethnologues à situer des événements historiques ou sociaux dans un contexte donné.

2-  Les fonctions de la littérature orale
En faisant un parcours synthétique des travaux consacrés à la littérature orale, il ressort plusieurs fonctions (1). Parmi celles-ci, nous pouvons citer la fonction ludique (divertissement et de détente), la fonction pédagogique, la fonction politique ou idéologique, la fonction initiatique, et pour terminer, la fonction fantasmatique.
- La littérature orale, dans son cadre traditionnel vise à la permanence, à la stabilité, à la fidélité. Elle n'est pas censée inventer mais reproduire. Ce souci de permanence va cependant de pair avec une variabilité de fait qui s'explique par des mutations historiques et sociales aussi bien que par une relative création individuelle. Celle-ci reste généralement cantonnée au domaine de la forme, on brode sur des thèmes connus en puisant dans un fonds commun d'images et de formules. Cependant, la variabilité peut parfois atteindre le sens.


Les différentes formes de littérature orale remplissent plusieurs fonctions dans la société africaine. Sources de distraction, elles ont également une valeur éducative pour les jeunes, diffusent les rituels et les croyances, encouragent la conformité aux normes culturelles, et apportent un soulagement psychologique dans un cadre institutionnalisé. Souvent, une consigne de bonne éducation est ajoutée à la fin des contes racontés aux enfants, pour insister sur ses implications morales. Les devinettes servent à dégourdir l'esprit des jeunes gens, tout comme les énigmes dont on ignore la réponse, qui ont la même fonction auprès de leurs aînés. Les mythes font autorité en matière de croyance surnaturelle et de pratique rituelle, et servent à justifier la propriété terrienne, la position sociale et l'autorité politique. Les proverbes peuvent être utilisés dans la conversation courante pour guider, encourager, complimenter, admonester ou désapprouver. Ils sont parfois cités dans les tribunaux comme précédents dans le déroulement d'une plaidoirie, ou utilisés comme artifices rhétoriques pour impressionner les juges. Des associations de théâtre chez les peuples parlant la langue ibibio (sud-est du Nigeria) utilisent des pièces satiriques jouées par des humains et des marionnettes pour exercer une pression sociale sur des personnes ou des groupes ne parvenant pas à se conformer aux préceptes culturels. Enfin, les distorsions de la réalité culturelle présentes dans les contes peuvent symboliser l'accomplissement d'un désir. Les personnages des contes agissent souvent comme les gens souhaiteraient le faire s'ils n'en étaient empêchés par les limitations sociales.
Ainsi, le conte joue également un rôle de catharsis.
Parmi les nombreuses définitions de la tradition orale, retenons la suivante: "La tradition orale est l'ensemble de tous les types de témoignages transmis verbalement par un peuple sur son passé" 1. C'est dans ce contexte que le pluriel est souvent utilisé : traditions orales.
- La littérature orale conforte l'identité propre à une culture ou une communauté. Elle pose des questions universelles.


La fonction ludique imprègne une bonne partie des textes traditionnels. C'est ainsi que les devinettes, les contes, les chants, les épopées et récits mythologiques ont pour fonction de satisfaire les besoins de la communauté, qui désire se "délecter" des histoires à travers les veillées nocturnes.

La fonction pédagogique des textes sert essentiellement à initier les jeunes générations aux valeurs cardinales de la société moaaga. Une édification morale est assignée au message du conteur qui prend le soin de baliser les bonnes conduites aux jeunes afin de contribuer à leur plein épanouissement. Pour ce faire, il est demandé, sinon prôné, l'obéissance aux coutumes et aux ancêtres. C'est ainsi que les contes mettent en scène une organisation sociale et économique forte, basée sur la hiérarchie et les strates sociales dans l'univers des fables. C'est le procédé de l'anthropomorphisme qui permet par métaphore, de critiquer et de stigmatiser les individus dans la société. Il y a donc à travers la fonction pédagogique, une puissante référence aux ancêtres dont le socle est essentiellement assuré par la gérontocratie.

Cependant on peut dire que cette fonction politique et idéologique s'adresse beaucoup plus aux adultes qu'aux enfants. Ainsi la mise en scène des problèmes vitaux a pour souci d'une part de juguler les tensions découlant des inégalités, des injustices sociales, d'autre part de créer la cohésion sociale du groupe. C'est ainsi que nous avons des types de discours qui existent entre les groupes sociaux, basés sur la parenté à plaisanterie ou dakššre chez les moose, jouant le rôle cathartique de régulateur de tensions sociales. La fonction politique et idéologique de la littérature orale, est axée surtout sur les grandes orientations assignées par les intellectuels des sociétés.
La fonction initiatique de la littérature orale se manifeste essentiellement à travers un langage métaphorique. L'initié a accès à certains codes secrets pour entrer dans le monde des adultes. A cet effet, à l'occasion de la circoncision et de l'excision, certains chants ou textes secrets sont enseignés aux candidats afin de les préparer psychologiquement à accepter la douleur et la souffrance, qui fera plus tard d'eux des hommes et des femmes mûrs. Certains textes ésotériques sont également appris aux candidats. La fonction initiatique de la littérature orale permet de franchir l'étape de la mort symbolique (la réclusion dans le bois sacré) pour renaître dans un monde nouveau : l'intégration dans la vie adulte au sein du monde social. On apprend aux circoncis pendant tout ce temps, certains secrets propres au groupe : les interdits, la genèse du clan, le secret des plantes etc.
Enfin la fonction fantasmatique de la littérature orale résulte de la mise en scène des tensions et des affrontements de la vie familiale. Il y a dans ce cadre opposition de la parenté de sang à la parenté d'alliance ; les hommes aux femmes, la vie à la mort. Nous pouvons noter à ce propos, les récits de Denise Paulme sur la mère dévorante qui présente de façon métaphorique la peur que les hommes ont de la femme, simultanément objet de désir et de possession. Cela peut se traduire par le récit de la courge qui avale tout sur son passage pour en définitive être fendue en deux par un coup de corne d'un bélier. L'évocation du symbole phallique est évidente à travers les cornes tandis que le réceptacle féminin est connoté par la courge.
(1). Notre classification s'inspire ici largement de celle du professeur CHEVRIER dans son ouvrage Littérature nègre, Armand Colin, 1984, pp. 201-202.
(2 ). J. CHEVRIER, Littérature nègre, Armand Colin, 1984, pp. 201-202
(5 ). B. DADIE , Le Pagne noir.
La littérature orale africaine a été investie comme un champ d'étude très fertile pour l'élucidation et la compréhension de la culture africaine. Ainsi les travaux ethnolinguistiques de Calame Griaule sur la culture africaine, notamment dogon, ont permis de souligner la vision du monde de cette société (1). Les textes recueillis sont l'objet d'études et révèlent des compléments d'informations tant au niveau matériel que religieux, historique, technique, social, scientifique. La littérature orale permet ainsi de transmettre tous ces messages par l'entremise des thèmes et des différents genres oraux propres à la culture donnée. C'est ainsi qu'au niveau verbal chaque culture possède sa propre classification des genres oraux qui ne correspond pas toujours à la taxinomie et à la typologie occidentale. Par exemple, certaines cultures ne font pas la distinction entre conte et mythe.
En Afrique traditionnelle où le verbe avait valeur "d'acte", il faut souligner que la parole représentait une arme redoutable que l'on devait utiliser avec art et respect. Comme le perçoit le professeur Chevrier :

"La manipulation de la parole n'est donc en aucune façon le fruit du hasard, mais elle fait au contraire l'objet de soins constants dans le processus d'éducation et de perfectionnement des individus"(2 ).

C'est ainsi que l'on va distinguer différentes fonctions assignées au message de la littérature orale africaine qui va souvent revêtir selon les cas les aspects : ludique, pédagogique, idéologique, initiatique, fantasmatique (3 ).
Il faut ajouter, contrairement à l'idée répandue, que la littérature orale africaine n'est pas statique, mais elle connaît une certaine évolution insufflée par les préoccupations et les besoins mêmes de la société.
C'est ainsi que les productions contemporaines de littérature orale essaient de s'adapter aux préoccupations des acteurs sociaux tout en prônant un message basé sur un socle traditionnel.
La littérature orale burkinabè, partie intégrante de la littérature orale africaine ne fait pas une exception. En effet, nous y retrouvons des genres oraux qui sont les signes incontestables de la richesse de cette littérature orale. Pour sa part, la littérature orale Moaaga a une richesse et un dynamisme qui font l'objet de plusieurs investigations.
C'est ainsi que les Moose du Burkina Faso distinguent une taxinomie et une typologie pour désigner d'une part les genres non-narratifs : Solem Kuuega (conte court ou devinette), Yelbundi (proverbe), Zabyuure (nom de guerre) ; d'autre part les genres narratifs: Solem wokko (fable), kibare (nouvelle), Yillè (chant).

En Afrique, la transmission de la tradition est l'affaire de tout le monde, surtout si elle doit se répercuter sur l'éducation des enfants. C'est ainsi que la famille proche est impliquée dans le processus de transfert des connaissances au même titre que les griots, vrais professionnels de la parole, mais aussi les conteurs, les chanteurs ou encore les écrivains africains qui, un peu plus tard, se sont efforcés d'intégrer la tradition dans leurs oeuvres.
2.3 - La famille
- Les parents
Très fréquemment en Afrique, c'est le père qui instruit son fils et la mère, sa fille. Dans certaines sociétés, l'oncle utérin joue un rôle plus important que le père auprès du garçon, celui-ci étant plus libre avec lui qu'avec son père et le questionnant plus volontiers. Le jeune garçon qui accompagne son père ou son oncle au champ, à la chasse ou à la pêche, la fillette qui aide sa mère, qui se rend avec elle au puits, reçoivent non seulement une instruction technique mais toutes sortes d'informations sur le milieu naturel ou la vie sociale, dont le prétexte est généralement trouvé dans la tâche qu'ils sont en train d'accomplir ou les rencontres faites en chemin.
- Les grands-parents
C'est à eux qu'incombe le plus la transmission de la tradition aux enfants en fonction de la sagesse procurée par l'âge mais aussi de leur disponibilité. Ils apparaissent partout comme des agents éducatifs importants dans les domaines qui n'ont pas directement trait à la productivité, et en particulier dans l'enseignement oral. Leur rôle n'est nullement négligeable sur le plan de l'intégration sociale proprement dite. Ils servent de trait d'union entre le passé et le présent. C'est souvent chez eux que va habiter le petit enfant après le sevrage ou quand, à 4 ans, il commence à voir les choses et à poser des questions.
On remarque qu'à l'inverse de la relation qui lie l'enfant à ses parents, ses rapports avec ses grands-parents se caractérisent par une sorte d'égalité, de connivence, d'alliance tacite, de propension à la plaisanterie.
C'est la grand-mère qui est la plus compétente dans la transmission orale des connaisances. En effet, dans toutes les sociétés, la grand-mère est ce personnage carctérisé par une grande tolérance, une expérience humaine qui en fait la "bibliothèque humaine". Elle occupe une place de choix dans la conservation des valeurs traditionnelles. Dans l'Afrique traditionnelle, la grand-mère était la seule habilitée à parler ouvertement de sexe aux enfants, qui en profitaient pour poser toutes sortes de questions.
Il convient toutefois de noter qu'en Afrique tout vieillard peut intervenir dans la transmission de la tradition, qu'il soit ou non le grand-parent de l'initié. Les personnes âgées sont des sources toujours disponibles qui, dégagées des corvées quotidiennes, peuvent mettre leur expérience et leur mémoire au service de l'éducation des enfants.
2.4  Les professionnels de la parole
Le griot a de tout temps été considéré comme le détenteur de la parole, par conséquent la mémoire sociale du groupe. Il retient les faits et les événements importants de son temps mais aussi des temps passés, que ses pères lui ont confiés pour qu'il les restitue aux générations futures. C'est ainsi que, véritable professionnel de la parole, le griot veille à leur bonne transmission. On fait appel à lui lors des événements importants pendant lesquels il ne se fait pas prier pour reconstituer la généalogie d'une famille donnée au son de la kora ou d'un autre instrument de musique selon le type de société.Périodiquement, de grandes réunions à caractère ésotérique rassemblent les griots initiés pour des récapitulations de l'histoire des peuples. Lors de ces cérémonies, les plus jeunes d'entre eux acquièrent de nouvelles connaissances. Les aînés leur présentent des sites sacré, tombes ou anciens autels, leur apprennent les systèmes de décompte du temps pour chaque ethnie et les formes anciennes des langues qui permettent aux chefs des sous-groupes de se comprendre.
D'autres agents qui interviennent dans la transmission de la tradition orale sont les conteurs qui ont toujours des messages à véhiculer lors des veillées nocturnes, mais aussi les chanteurs qui puisent à volonté dans le répertoire national.
Un peu plus tard, on retrouvera ce rôle chez les écrivains africains. En effet la peinture de la société traditionnelle est très présente dans l'oeuvre d'un Senghor, d'un Birago Diop ou encore d'un Mamby Sidibé. Même si cette transmission n'est pas faite par le canal oral, elle mérite d'être citée car la finalité demeure : inculquer aux enfants les valeurs traditionnelles.
L'attitude des enfants à l'égard de la tradition orale était très positive dans l'Afrique traditionnelle. L'organisation sociale de cette Afrique-là était plus en faveur de la transmission des traditions orales et de l'intérêt des enfants pour ces traditions. Qu'en est-il aujourd'hui ? C'est ce que nous allons essayer de déterminer ci-dessous.
La société traditionnelle est très différente de la société moderne. La première est caractérisée par l'esprit de groupe tandis que l'individualisme, conséquence immédiate de l'urbanisation, sévit dans la deuxième. En effet, l'éclatement des familles élargies, l'irruption des modes de vie occidentaux (l'école), les canaux modernes de transmission de l'information (les médias) sont autant d'éléments qui participent de la disparition du phénomène. Il n'y a plus ni griots liés à des familles ou à des clans pour animer les veillées, ni presque plus de kassaks, ni de bois sacrés etc.
Ainsi l'enfant africain, devra se contenter de ce qu'une grand-mère, s'il a la chance de l'avoir dans la maison familiale, pourra bien lui raconter, entre deux leçons apprises. Encore que la majorité des enfants, une fois les leçons apprises et les devoirs faits après l'école, préfèrent regarder la télévision ou jouer avec les voisins.
S'ils sont vraiment intéressés par la tradition, ils pourront se tourner vers les modes de récupération de l'oral qui existent encore. Je veux citer les festivals de conte, le théâtre, les spectacles musicaux télévisés ou les émissions radiophoniques.
Les célèbres "mercredis de Blaise Senghor" méritent d'être cités ici. La bibliothèque du Centre Culturel Blaise Senghor au Sénégal organisait des séances de contes pour les enfants, chaque mercredi après-midi. Le bibliothécaire faisait venir un conteur professionnel qui restituait histoires et jeux traditionnels aux enfants qui, en raffolaient.
Toutefois, même cette admirable initiative n'a pas pu résister à l'écrit. En effet, le mode de transmission actuel le plus courant de la tradition est l'imprimé, à travers le livre ou la presse pour jeunes. Ce qui nous amène à poser un regard plein de curiosité sur la place qu'occupe la tradition orale dans la littérature africaine de jeunesse.
La tradition orale a beaucoup inspiré les auteurs africains, en particulier ceux qui écrivent pour les enfants. En effet, de plus en plus, nombre d'auteurs africains font une grande place à la tradition orale dans leurs œuvres. Toutefois, nous avons choisi de centrer notre réflexion sur l'œuvre d’Amadou Hampâthé Bâ qui a toujours été connu comme un grand défenseur de la tradition orale africaine.
2..1- L'exemple d’Amadou Hampâthé Bâ
Né au Mali en 1900 et mort en 1991 à Abidjan, Amadou Hampâthé Bâ a su s'imposer comme une grande figure de la sagesse et de la culture africaines. Amadou Hampâthé Bâ est surtout connu pour son attachement à la tradition orale, cette tradition que l'on retrouve dans l'ensemble de sa production littéraire de jeunesse.
Citons Kaïdara: récit initiatique peul, Petit Bodiel : conte drolatique peul, le petit frère d'Amkoulel, la poignée de poussière : contes et récits du Mali ou encore Njeddo Dawal, Mère de la Calamité. Tous ces contes qu'il retransmet aux enfants par le biais de l'écrit, Amadou Hampâthé Bâ les a écoutés dès sa petite enfance, au sein de la maison familiale où vivait l'un des plus grands maîtres de la parole de l'époque : Soulé Bô dit "Koulel", dont il reçut le surnom. "Ce n'est que plus tard, expliquait-il, que le sens spirituel profond de ces contes m'a été révélé"3 d'où son désir de le transmettre aux enfants.
Ce n'est pas par hasard qu'en 1966, Lilyan Kesteloot fut dépêchée par l'UNESCO auprès d'Amadou Hampâthé Bâ pour l'aider à comprendre certains grands textes de la tradition orale, en particulier Kaïdara, récit initiatique des Peuls.
Pleins de sagesse et d'humour, ses contes mettent souvent en scène des animaux et véhiculent toutes les valeurs dignes d'être connues par les jeunes générations.
Notons ainsi que le conte écrit joue un rôle important dans la production éditoriale. Il est une véritable amorce vers la lecture, surtout s'il met en scène des animaux, ce qui est très apprécié des enfants. La preuve, ils préfèrent s'identifier au lièvre, symbole de la ruse plutôt qu'à l'hyène, sotte et avide. Toutefois, les conteurs modernes s'orientent vers des thématiques différentes : lutte contre le racisme, bonne conduite de la chose publique, droit à la différence, éloge de la découverte et du voyage...
Les traditions orales ont toujours une portée didactique. En effet, du conte, au mythe en passant par les proverbes et devinettes et jusqu'aux récits épiques, il y a toujours un enseignement à tirer, une valeur à inculquer à l'enfant.
Les thèmes d'instruction sont plus fournis pour les contes et les proverbes. La signification symbolique émanant de ces deux genres est utilisée sur plusieurs plans: connaissance de la nature, morale, comportement social...
Les héros des contes mettent en évidence un système de valeurs et incarnent, suivant les cas, les vertus qui les mènent à la réussite sociale ou les défauts qui les conduisent à leur perte. Les contes traditionnels africains mettent souvent en scène des animaux et les qualités qu'on veut inculquer aux enfants sont :
En grandissant, les enfants comprennent mieux cette sorte de morale pratique illustrée par les contes. Certaines de ses moralités se retrouvent dans les fables d'Esope et de La Fontaine. Les enfants quant à eux intègrent ces valeurs sans les discuter tant qu'ils sont très jeunes.
De la même façon, on note que les proverbes ont leurs racines dans la tradition qui observe, explique et interprète les faits, les règles de la nature, les comportements humains pour exprimer les relations sociales. Ils tirent leur valeur de la société qui élabore elle-même ses règles de conduite et résiste fortement à tout changement.
Les devinettes jouent également un rôle important dans la formation de l'enfant. Elles permettent de tester son niveau d'intelligence. En effet, "la devinette n'est pas un problème qu'on résout à l'aide des données fournies par l'énoncé, car en fait, il n'y a rien à deviner mais à savoir".
L'épopée n'échappe pas à la règle. Longs et envoûtants, souvent ponctués de chants, les récits épiques en exaltant l'action des héros donnent vie à l'histoire d'un peuple, et inculquent à l'enfant les notions de courage et de dévouement à la communauté.
Il est donc évident que la tradition orale joue un rôle important dans la transmission des connaissances. Ce rôle lui est conféré par le fait qu'elle est profondément imprégnée des réalités culturelles et des valeurs sociales. Toutefois, toutes ces valeurs trouvent-elles leur place dans la société moderne ?
A ce stade du texte, la question qu'il convient de se poser est : quel avenir pour les traditions orales ? Les traditions orales appartiennent-elles au passé, ou au contraire peuvent-elles cohabiter avec la culture moderne, scientifique ?
La société moderne se caractérise par un développement scientifique, une avancée technologique indéniables et des attitudes nouvelles : le désir de chercher, de se dépasser, d'innover, d'être profondément soi-même et le goût pour l'intelligence pure..
L'invention des moyens de communication, d'information modernes tels la télévision, la radio, le téléphone, les systèmes d'enseignement ont considérablement bouleversé les habitudes d'antan, bouleversement grandement facilité par l'exode rural.
L'individualisme sévit en milieu urbain, ce qui ne facilite pas du tout la transmission des valeurs véhiculées par les traditions orales. Dans les campagnes même, les voyages vers les villes du pays ou d'ailleurs ont subtilement modifié l'ancien ordre des choses.
Désormais, la pupart des éléments de la tradition orale telles les généalogies, les devises appartiennent au folklore et ses valeurs sont de plus en plus déconnectées du réél. La circoncision par exemple, a perdu son aspect rituel, initiatique pour n'être plus qu'une précaution hygiénique, et dans certaines localités, l'occasion de retrouver les anciennes modalités de circulation des biens et de ressouder la communauté dans des fêtes gigantesques.
Ajoutons-y les performances de la pédagogie moderne dans laquelle tous les moyens sont mis en oeuvre (livres, cassettes, CD-ROM) pour que l'enfant comprenne vite et bien son cours. Ainsi, l'enfant moderne préfère jouer avec un ordinateur à la maison, à la bibliothèque ou à l'école du quartier plutôt que d'essayer de capter les messages voilés d'une voix chenue, cassée par les ans. Il satisfait ainsi une forte aspiration à la modernité et à l'ouverture au reste du monde.
Bref, la cohabitation culture traditionnelle et moderne devient de plus en plus improbable, la deuxième ayant pris l'avantage sur la première. Toutefois ne peut-on passer au tamis les valeurs véhiculées par les traditions orales afin de voir celles qui cadrent le plus avec les besoins de la société actuelle ?
5.1- Que faut-il conserver ? Quel avenir ?
De la tradition orale, on devrait conserver les contes, vecteurs de morale sociale et humaine, les récits et les mythes relatifs à la fondation de tel ou tel village par exemple. On pourrait aménager une petite heure du conte dans les écoles, les bibliothèques, de petites conférences de temps à autre.
Les médias sont aussi des moyens privilégiés pour cette tentative de récupération de l'oral, qui pourrait être plus présent dans les émissions radiophoniques et télévisées. Le principe est de populariser davantage ce qui est national et d'éviter ce qui peut être un ferment de division entre familles, clans et tribus et pourrait bien inspirer à quelques-uns des poussées d'ethnocentrisme ou le gôut du repli communautaire.
Enfin, il faudrait réussir à ne pas représenter la tradition orale comme le seul support de nos sociétés, mais montrer qu'il y avait aussi des acquis et des innovations techniques très adaptées aux terroirs et aux besoins des humains d'autrefois, et que l'on doit sauvegarder, discuter et transposer.
Tout au long de ce texte, nous avons essayé de montrer les richesses de la tradition orale, son importance pour l'éducation de l'enfant, et enfin ses limites.
Nous en avons retenu que la tradition orale était étroitement liée à l'éducation de l'enfant dans l'Afrique traditionnelle. Elle était une véritable pédagogie. Toutefois, l'évolution des sociétés, le progrès scientifique lui ont ravi sa place dans l'éducation de l'enfant, même si elle subsiste par bribes.
C'est à ce niveau que le pédagogue moderne doit l'appréhender et chercher à capter les forces et les richesses qu'elle contient encore pour les associer à ses propres méthodes.
IV- Littérature orale

V- La littérature d'Afrique noire
La littérature moderne d'Afrique noire se situe au confluent de divers courants: ses propres traditions locales et diverses; l'impact des mondes islamiques et arabe sil influence omniprésente du colonialisme européen et du christianisme. Les Africains se sont montrés particulièrement prolifiques depuis la Seconde Guerre mondiale; utilisant le français, l'anglais, le portugais et plus de quarante langues africaines, ils ont composé de la poésie, de la fiction, du théâtre, et inventé des formes d'écriture pour lesquelles il n'existe pas de descriptif dans le monde littéraire européen. Leurs œuvres dressent le portrait de la réalité politique et sociale moderne, et s'attachent aux systèmes de valeurs, qu'ils soient ou non africains. Dans le même temps, leurs écrits sont fondés sur les traditions indigènes et des visions du monde typiquement africaines.
Bien avant l'arrivée des Européens, avant même le développement de l'écriture, les peuples de l'Afrique sub-saharienne ont exprimé de façon artistique leurs pensées, leurs sentiments et leurs préoccupations les plus profonds, sous la forme de mythes, de légendes, d'allégories, de paraboles et de contes, de chants et de mélopées, de poèmes, de proverbes, de devinettes et de théâtre. Certaines formes traditionnelles de la littérature orale ont survécu jusqu'à nos jours, tandis que des formes nouvelles ne cessent d'apparaître. Elles expriment aussi bien des thèmes contemporains que des thèmes du passé. Leurs styles sont influencés par le monde extérieur, comme par les différentes cultures présentes en Afrique. Elles se sont adaptées aux influences modernes, et influencent elles-mêmes les différents modes d'écriture contemporains.
Les littératures traditionnelles fournissent la trame des nouvelles structures, des nouvelles techniques et des nouveaux styles qui transcendent les modèles littéraires figés imposés par l'Europe.
1-    La littérature écrite
Les courants de la littérature écrite, comme ceux de la littérature orale, remontent loin dans le passé. Antar (Antara ibn Shaddad al-Absi), un guerrier-poète afro-arabe mort en 615, avant l'avènement de l'islam, est au centre d'un célèbre récit épique intitulé le
Roman d'Antar, 10 volumes, 1865-1877; Antar, le roman d'un bédouin, 4 volumes, 1819-1820 (un tiers de traduction intégrale). Certaines parties de ce prototype de roman de chevalerie arabe ont été écrites par Antar lui-même. Ses narrateurs ont créé leur propre style et ont été baptisés «antaristes» antariyya. Certains des vers d'Antar et d'autres poèmes du long Roman font référence à ses origines africaines, et c'est la première œuvre classique dans laquelle on trouve trace de préjugés liés à la couleur de la peau. Le poète noir Abu Dulama ibn al-Jaun, mort en 777, composa des vers plein d'esprit pour la cour abbasside de Bagdad. Ziryab (Abul Hasan Ali ibn Nafi), un
Afro-Persan connu sous le nom de «Rossignol noir», se rendit en 822 en Espagne, où il contribua de façon considérable à l'évolution de la poésie, de la musique et du chant en Andalousie.
Tous ces poètes étaient nés esclaves. D'autres écrivains africains déracinés se firent connaître dans différentes parties de l'Europe, et plus tard aux Amériques. Parmi eux, citons Juan Latino (né en Guinée), qui écrivait en latin, et Afonso Alvares, le premier à écrire dans une langue européenne (le portugais). L'expérience de l'esclavage puis de l'affranchissement a inspiré ce qui est sans doute le premier récit d'exil africain composé dans une langue européenne: The Interesting Narrative of the Life of Olaudah Equiano or Gustavus Vassa the African, Written by Himself (1789). Dans cette autobiographie, Equiano décrit son enfance au Nigeria, son enlèvement, sa vie d'esclave dans le Sud américain et dans les Caraïbes, et enfin sa vie d'homme libre en Grande-Bretagne.
Les premières traces de littérature écrite en Afrique remontent au XVIIIe siècle, avec un manuscrit en swahili Ubendi wa Tambuka («le poème épique de Tambuka»), daté de 1728. Au XIXe siècle, on compte la poésie de Joaquim Dias Cordeiro da Matta (Angola) et de Caetano da Costa Alegre (São Tomé), ainsi que diverses œuvres en xhosa d'Africains du Sud: poèmes et récits autobiographiques et de fiction de Samuel E. K. Mqhayi; poèmes et hymnes de Kobe Ntsikana; poésie didactique de William W. Gqoba; écrits contestataires de Hadi Waseluhlangani qu'on appelait «la Harpe du peuple».
2-    Les pionniers du XXe siècle
Parmi les auteurs pionniers de la littérature noire africaine moderne d'avant 1945 se détachent quatre figures, dont trois s'expriment dans des langues africaines.
Le premier romancier moderne du continent à atteindre une reconnaissance internationale, Thomas Mofolo (Afrique du Sud), a écrit trois importants ouvrages de fiction en sotho du sud: Moeti oa bochabela (1907, le Voyageur de l'Est, 1934), récit allégorique de la vie africaine dans l'ancien temps et de la conversion des Africains au christianisme; Pitseng (1910), une histoire d'amour dans un village relatant l'éducation et la cour amoureuse de deux jeunes gens; et le plus célèbre des trois, Chaka (1925), une biographie romancée de la grande figure héroïque de l'histoire zouloue, parue pour la première fois en 1925, traduite ensuite dans de nombreuses langues européennes. Dans les trois romans, on retrouve l'expression de la culture chrétienne de Mofolo, mais également la révélation d'une identification profonde avec son propre peuple et ses traditions culturelles.
Jean-Joseph Rabéarivelo (Madagascar) offre un tragique exemple de l'impact du colonialisme sur un esprit imaginatif et impressionnable. Rabéarivelo apprend le français en autodidacte, et rêve de rencontrer les poètes français qu'il admire de loin.
Son pays devient pour lui une prison physique, morale et intellectuelle, ce qui le conduira au désespoir, puis au suicide. Bien qu'il tire son inspiration des poètes de France, il intègre dans son œuvre la qualité de la forme poétique orale malgache «hain-teny», et développe la technique de la métaphore filée. Sa poésie devient le substitut de la liberté qu'il est persuadé ne jamais devoir connaître. L'essentiel de son œuvre se compose de quatre volumes: Sylves (1927), Volumes (1928), Presquesonges (1924, publié en 1934), et Traduit de la nuit (1935).
Robert Shaaban (Tanzanie), est le premier écrivain africain en swahili à aborder des genres différents, inspirés autant de modèles anglais qu'africains. C'est un maître en techniques traditionnelles, mais il écrit plus pour être lu que pour être chanté. Shaaban est le premier à militer pour la reconnaissance du swahili comme langue principale de toute l'Afrique de l'Est, et il écrit des nouvelles et des poèmes pour un public qui, comme lui, n'a pas suivi d'enseignement supérieur. Ses essais, traitant de sujets très divers, sont rassemblés dans Kielezo cha Insha (1954, «essais modèles»), et ses autres œuvres dans une série de volumes intitulés Diwani ya Shaaban (à partir de 1959).
La fiction moderne en prose en yorouba connaît ses véritables débuts en 1939, quand Olorunfemi Fagunwa (Nigeria) écrit Ogboju Ode Ninu Igbo Irunmale, traduit par Wole Soyinka sous le titre The Forest of a Thousand Daemons (1968). Un vieux chasseur y raconte ses aventures dans la forêt vierge. Beaucoup de ses récits sont des contes populaires, illustrant les croyances yorouba en matière d'esprits, de fantômes, et des choses étranges qui peuvent arriver dans la forêt. En même temps, le livre dépeint les problèmes ordinaires de la vie quotidienne dans les foyers traditionnels, le tout ponctué de réflexions morales ou éthiques. Les trois romans suivants de Fagunwa – Igbo Olodumare (1946, «la forêt du Seigneur»), Ireke-Onibudo (1948, «le bâton du garde»), et Irinkerindo Ninu Igbo Elegbeje: Apa Keta Olodumare (1954, «aventures dans la forêt d'Elegbeje») – sont tous l'histoire d'une quête. Sa dernière oeuvre, Adiitu Olodumare (1961, «le secret de Dieu»), est plus réaliste. Fagunwa a montré comment les bases de la culture populaire pouvaient être intégrées à la fiction moderne. Ce faisant, il a su convaincre les Yoroubas instruits de la valeur de leur héritage traditionnel, et a exercé une influence importante sur d'autres écrivains nigerians.
3-    La fiction moderne
Suivant la trace de Fagunwa, et utilisant fréquemment les mêmes éléments, Amos Tutuola (Nigeria) est l'auteur de six oeuvres de fiction en anglais qui ont retenu l'attention au niveau international: l'Ivrogne dans la brousse (1952, traduit en français par Raymond Queneau, titre original The Palm Wine Drinkard); My Life in the Bush of Ghosts (1954, «ma vie dans la brousse des fantômes») ; Simbi et le satyre de la jungle noire (1955, Simbi and the Satyr of the Dark Jungle); The Brave African Huntress (1958, «la vaillante chasseresse africaine») ; The Feather Woman of the Jungle (1962, «la femme-plume») ; Ajayi and His Inherited Poverty (1967, «comment Ajaiyi reçut la pauvreté en héritage»). Tous ces récits sont des quêtes mystiques, des romans qui exploitent des contes et légendes yoroubas, dans un anglais qui ressemble à l'idiome populaire, mais qui utilise abondamment les références modernes – les rayons X, les fils électriques, le klaxon, et «le fantôme dont les mains sont des téléviseurs».
La parution en 1958 de Le monde s'effondre (Things fall apart), de Chinua Achebe, marque l'essor du roman moderne d'Afrique noire en anglais. Achebe a mis dans sa fiction tout le monde africain, et son style doit beaucoup à la tradition orale en dialecte, à l'usage des proverbes, au rythme et à la teneur de la parole. Le monde s'effondre raconte l'histoire du désarroi d'une petite communauté du Nigeria, jusque-là soudée et bien organisée, au moment où les premiers missionnaires et les fonctionnaires coloniaux persuadent certains autochtones d'abandonner leurs croyances traditionnelles. Le Malaise (1960, No longer at Ease) est une suite, centrée sur un jeune homme pétri d'aspirations européennes, qui revient dans son village après avoir fait des études en Angleterre. La Flèche de Dieu (1964, Arrow of God) montre le christianisme comme une force de division dans la société africaine. La lutte entre les dieux a été complètement resituée dans l'arène politique.
Dans les années 1960, les écrivains de fiction d'expression anglaise tournent leur attention vers des problèmes plus contemporains. Dans le Démagogue (1966, A Man of the People), Achebe utilise la satire pour critiquer le gouvernement corrompu et la politique d'appareil. Le roman les Interprètes (1965, The Interpreters), de Wole Soyinka (Nigeria), offre une vue kaléidoscopique de la vie urbaine en Afrique, par l'intermédiaire des mésaventures simultanées de cinq différents «héros». Saison d'anomie (1973, A Season of Anomy) est une allégorie illustrant les expériences du Nigeria sous des gouvernements civils et militaires autoritaires. Les romans de Ayi Kwei Armah (Ghana) – Deux mille saisons (1973-1974, Two Thousand Seasons), Fragments (1970), et L'âge d'or n'est pas pour demain (1969, The Beautiful Ones Are Not Yet Born) – offrent une reconstruction et une évaluation visionnaire du passé, et simultanément, une vision très réaliste de la corruption et du déclin moral de l'Afrique indépendante. Le roman allégorique This Earth, My Brother… (1971), de Kofi Awoonor (Ghana), décrit la dépression mentale d'un jeune homme au milieu de la confusion morale ambiante.
La fiction noire africaine d'expression française insiste sur la lutte contre le colonialisme, la recherche d'identité et le combat contre la tyrannie après l'indépendance. Mongo Beti (Cameroun) a tenté de détruire les prétendants à la supériorité politique, culturelle et spirituelle. Ses nouvelles font exploser à la fois les mythes chrétiens et coloniaux. Ville cruelle (1954) décrit la vie de paysans africains dans une exploitation de bois appartenant à des Européens. Le Pauvre Christ de
Bomba (1956), Mission terminée (1957), et le Roi miraculé: Chronique des Essazam (1958) sont des études satiriques des absurdités et de la cruauté de la loi coloniale. Remember Ruben (1974, le titre est en anglais) et Perpétue (1974) traitent de la lutte juste avant l'indépendance, et de l'impact de la loi autoritaire sur les individus. La
Ruine presque cocasse d'un polichinelle (1979) reprend les mêmes thèmes, mais se déroule pendant l'indépendance.
Le style de Ferdinand Oyono (Cameroun), d'un réalisme voulu, agrémenté d'un humour mordant et d'un don d'observation sans pitié, domine ses principaux romans,
Une vie de boy (1956), le Vieux Nègre et la Médaille (1956), et Chemins d'Europe (1960). La reconstitution pleine d'imagination d'une vision du monde et d'une réalité authentiquement africaines imprègne l'oeuvre de Camara Laye (Guinée), que ce soit dans l'autobiographie émouvante et pleine de poésie intitulée l'Enfant noir (1953), ou dans le Regard du roi (1954), une allégorie complexe de l'interaction entre les valeurs africaines et européennes.
Ousmane Sembène (Sénégal) a connu une renommée internationale à la fois en tant que réalisateur de films, et en tant que romancier. Ses romans le Docker noir (1956), Ô pays, mon beau peuple! (1957), les Bouts de bois de Dieu (1960), l'Harmattan (1964), et le Dernier de l'empire (1981) sont conçus comme des épopées combinant la ferveur révolutionnaire et une vision particulièrement humaniste, allant bien au-delà du récit réaliste dans la description des forces et des faiblesses de l'être humain, de l'héroïsme et de la solidarité communautaire. Ngugi wa Thiong'o (Kenya) est devenu le principal romancier moderne de l'Afrique orientale. Ses trois premiers livres décrivent des Africains sous la férule coloniale. Enfant, ne pleure pas (1964, Weep not, Child) est une histoire de pauvreté et de souffrance durant la guerre d'indépendance de son pays. La Rivière de vie (1965, The  River Between) se déroule durant la fondation du Mouvement kikuyu pour les écoles indépendantes, tentative d'offrir une alternative à l'enseignement missionnaire. Et le blé jaillira (1967, A Grain of Wheat) est un récit compliqué et fort de trahison et de souffrance dans les soubresauts de l'indépendance. Les thèmes centraux de Ngugi sont le pouvoir politique et le mouvement de l'Histoire, tandis que la terre reste son principal symbole. Pétales de sang (1977, Petals of Blood) et Caitaani Mutharabaini (1980, écrit en kikuyu et traduit sous le titre le Diable sur la croix), sont des critiques virulentes du Kenya indépendant.
Le roman de l'écrivain soudanais al-Tayyib Sâlih, Mawsim al-hijra ilâ al-shimâl (1966, la Saison de la migration vers le nord) s'inspire dans sa forme du récit à la première personne dans le style de Conrad, dont il propose une interversion mimétique intéressante. Le roman part du cœur de l'Europe pour retourner au village natal du narrateur.
L'Afrique du Sud est riche de fiction en langues africaines, avec notamment les œuvres de A. C. Jordan et de Jordan K. Ngubane. Le roman de A. C. Jordan, Inggoubo yeminyaya (1940, «la colère des esprits ancestraux»), est devenu un classique de la fiction moderne xhosa. Celui de Ngubane, Uvalo Lwezinhlonzi (1957, «d'un regard, il provoquait la terreur»), écrit en zoulou, fut suivi de Ushamba: The Hurtle to Blood River, écrit en anglais (1974, édition révisée en 1979), ouvrage interdit en Afrique du Sud. Le premier roman d'un écrivain noir d'Afrique du Sud à connaître un succès international fut Mine Boy (1946), de Peter Abrahams. Parmi ses oeuvres, écrites pour la plupart alors qu'il vivait au Ghana, en Grande-Bretagne ou à la Jamaïque, on compte également Rouge est le sang des Noirs (1946), A Wreath for Udomo (1956), Wild Conquest (1950), le Sentier du tonnerre (1948, The Path of Thunder), et les deux romans autobiographiques Je ne suis pas un homme libre (1954, Tell Freedom), et Return to Goli (1953).
Les courts romans d'Alex La Guma offrent une peinture intense des réalités particulières de la vie en Afrique du Sud sous le régime de l'apartheid, mais vont bien au-delà des limites du naturalisme en plongeant un regard profond et dérangeant au coeur de l'humanité. A Walk in the Night (1962) et And a Threefold Cord (1964) décrivent la vie dans le ghetto du Cap. The Stone Country (1967) est inspiré de manière très réaliste de la propre expérience de La Guma en prison. In the Fog of the Season's End (1972) a pour sujet la lutte activiste en Afrique du Sud, et Time of the Butcherbird (1979) traite de la ségrégation géographique et du déplacement forcé des populations noires vers les «homelands». Bessie Head, également sud-africaine de naissance, a passé pratiquement toute sa vie au Botswana; les thèmes de l'exil et de l'éloignement sont au centre de ses romans When Rainclouds Gather (1969), Maru (1971) et A Question of Power (1974). Le Zimbabwéen Dambudzo Marechera, mort du sida en 1987, trace une violente critique de la misère dans la Maison de la faim (1999, The House of hunger). Es'kia Mphahlele est le plus célèbre des écrivains noirs d'expression anglaise d'Afrique du Sud. Son roman, Down Second Avenue (1959) est un chef-d'œuvre autobiographique, et il a été suivi d'un second ouvrage du même genre, Afrika My
Music: An Autobiography, 1957-83 (1984). Mphahlele a également écrit des essais de critique littéraire: Voices in the Whirlwind (1972), et The African Image (1962, édition revue en 1974), et a traité le thème de l'exil dans deux romans: The Wanderers (1971) largement inspiré de son propre exil; Chirundu (1980), situé en Zambie, qui évoque le destin de deux Noirs exilés d'Afrique du Sud, dont l'un conclura que connaître à nouveau la détention et la torture est encore préférable à l'exil loin de son pays.
La nouvelle est une forme littéraire qui a fourni une riche moisson à l'Afrique du Sud. Celles de Mphahlele ont été rassemblées dans les recueils Man Must Live, and Other Stories (1947), et The Living and The Dead (1961). Nat Nakasa, Can Themba, Arthur Maimane, Bloke Modisane, Richard Rive, et Alex La Guma, ont entre autres, eux aussi produits des petits chefs-d'oeuvre de ce genre.
D'expression portugaise, Bernardo Honwana du Mozambique s'est fait connaître lui aussi pour ses nouvelles. En Angola, José Luandino Vieira, s'est fait remarquer avec Luuanda (1964), trois longs contes qui restituent le langage et la vie des habitants pauvres des villes, tandis que Manuel Rui, dans le Porc épique (1999, Quem me dera ser onda) critique avec férocité la bureaucratie durant l'ère socialiste, dans une satire de laquelle ne sont pas exclues la tendresse et la réflexion philosophique.

4-    La poésie moderne
La poésie africaine d'expression française est née en dehors du continent, parmi des auteurs qui ont tenté de redécouvrir leur identité africaine, de réaffirmer un sens perdu de la dignité, et de proclamer l'héritage de l'histoire et de la culture africaine aux yeux du monde dominé par l'Europe qui niait son existence. Dans son célèbre Cahier d'un retour au pays natal (1939), c'est le poète antillais Aimé Césaire qui a donné le nom de négritude, à cette affirmation de l'identité africaine. Pour Leopold Sédar
Senghor (Sénégal), le concept devient un thème à la fois esthétique et mystique; dans son essai l'Esthétique négro-africaine (1956), il tente de définir la négritude, qu'il a illustrée dans son Anthologie de la nouvelle poésie noire et malgache de langue française (1948). Cette anthologie ainsi que ses propres recueils de poèmes Chants d'ombre (1945), Éthiopiques (1956), et Nocturnes (1961) ont fait de lui le chantre de cette négritude que l'on retrouve dans les poèmes de trois autres Africains de l'ouest: Birago Diop, David Diop et Bernard Dadié. Le poème Souffles (1947), de Birago Diop, est souvent cité comme exemple de ce mouvement littéraire. Tchicaya U Tam'si (Congo), entremêle les influences du surréalisme, de Césaire, du symbolisme français, de l'imagerie catholique romaine, du paysage congolais et de l'angoisse de l'exil dans cinq puissants recueils de poésie – Feu de brousse (1957), À triche-coeur (1958),
Épitomé: les mots de tête pour le sommaire d'une passion (1962), le Ventre (1964), et l'Arc musical (1969).
La poésie africaine d'expression anglaise traite de thèmes similaires. On y trouve souvent en plus un certain sens de l'humour, parfois amer et sardonique, parfois chaleureux et réellement comique.
Christopher Okigbo (Nigeria) semble échapper à l'aliénation et à la frustration des   générations précédentes. Ses oeuvres les plus connues, Heavensgate (en quatre parties, 1962), et Limits (1964), ont pour thèmes le supplice, l'angoisse, et la purification. Deux recueils, Idanre (1967), Idanre and Other Poems (1967), et A Shuttle in the Crypt (1942), ont fait de Wole Soyinka un des plus importants poète nigerian. The
House by the Sea (1978), ouvrage marquant de Kofi Awoonor, comprend une série de poèmes puissants écrits durant l'année où il a été emprisonné par un gouvernement militaire.
La poésie sud-africaine d'expression anglaise déborde de la passion de la contestation et du caractère poignant de l'exil. Dennis Brutus a publié différents recueils – Sirens, Knuckles and Boots (1963), Letters to Martha and Other Poems from a South African Prison (1968), Thoughts from Abroad (1970), A Simple Lust (1973), Strains (1975; édition révisée en 1982), et Stubborn Hope (1978) – qui évoquent l'emprisonnement, la révolution, la libération, et l'expérience de l'exil. Arthur Nortje, décrit par Brutus comme «peut-être le meilleur poète sud-africain de notre temps», a subi l'exil forcé et s'est donné la mort en 1970; ses poèmes sont rassemblés sous le titre de Dead Roots (1973). À l'instar de Brutus, d'autres poètes importants ont quitté l'Afrique du Sud pour écrire depuis leur lieu d'exil: parmi les oeuvres de Mongane Serote, on trouve un important recueil de poésie, Tsetlo (1975), et un roman, To Every Birth its Blood (1981); parmi celles de Keorapetse Kgositsile, on remarque les poèmes rassemblés dans Spirits Unchained (1969), For Melba (1970), My Name is Afrika (1971), The Present Is a Dangerous Place to Live (1974), et Herzspuren (publié en Allemagne en 1980); Mazisi Kunene, poète et érudit de la littérature zouloue, s'exprimant en zoulou et en anglais, a tenté dans deux poèmes épiques de grande envergure – Emperor Shaka the Great (1979) et Anthem of the Decades (1981) – de restituer l'esprit, la substance, et les techniques de la tradition orale zouloue.
Le nombre de poètes africains lusophones a considérablement augmenté au cours du XXe siècle. Parmi les plus célèbres dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, citons Eugenio Tavares et Jorge Barbosa, tous deux originaires du Cap-Vert, le poète et folkloriste aveugle Oscar Ribas, de l'Angola, Rui de Noronha, du Mozambique, et Francisco José Tenreiro, de São Tomé. Le passage à la période moderne s'effectue à travers l'oeuvre de Mario da Andrade (Angola), pas seulement par le biais de sa propre poésie, mais par celui de son anthologie riche et originale,
Literatura africana de expressão portuguesa (1967-1968). Parmi les poètes contemporains, on distingue Agostinho Neto (le premier président de l'Angola), Valente Malangantana et José Craveirinha, du Mozambique, ainsi que l'Angolais
5-    Antonio Cardoso.
Le théâtre
Bien que l'art dramatique soit un genre florissant dans l'Afrique d'aujourd'hui, le théâtre sous forme de textes littéraires édités reste rare. Du point de vue de la culture africaine, les deux éléments ne sont pas contradictoires. Le théâtre est l'un des arts du spectacle les plus complexes et multidisciplinaires, et son développement remonte fort loin dans les traditions de l'Afrique noire. Le ntsomi était une forme d'expression xhosa, comme l'étaient les mascarades du Nigeria. La pièce zouloue Umxakazawakogingqwayo a été transcrite d'après une représentation orale de la fin du
XIXe siècle. Le conte populaire, le chant des louanges ainsi que certains rituels et cérémonies avaient eux aussi un côté théâtral. Ils combinaient le chant, la musique, le mime, la parole scandée, la danse, et d'autres formes d'action symboliques, et s'accompagnaient de costumes, d'accessoires et de masques, tout en utilisant tous les éléments – intrigues, presonnages et action – qui se combinent au spectacle pour en faire du théâtre. Ils ont perduré jusqu'à nos jours, intégrant des éléments contemporains et souvent aussi des influences extérieures, à leurs modes et techniques de représentation. Ces traditions ont également donné naissance à de nouvelles formes modernes, telles que la «concert party» au Ghana, et le «folk
opera» yorouba au Nigeria, qui ne se prêtent pas aisément à la publication de textes imprimés.
Les arts du spectacle africains se sont également développés sous la forme de pièces bibliques librement inspirées des Écritures, souvent pleines d'humour grivois, et dans lesquelles la musique africaine et les chants tiennent une place importante. Dans les années 1940 et 1950, Hubert Ogunde a sécularisé ce type de théâtre, le transformant tout d'abord en divertissement populaire, puis en critique sociale judicieuse, humoristique et efficace. Ogunde, imité par Kola Ogunmola (Nigeria), qui travaille dans la même veine, sont les créateurs du folk opera yorouba. Le chef d'œuvre d'Ogunmola était une version mise en scène de l'Ivrogne dans la brousse, d'Amos
Tutuola. Oba koso (1964, «Le roi ne pend pas»), de Duro Ladipo, est l'un des rares folk operas à avoir été publié dans sa langue d'origine, et ses Trois Pièces yorouba (1964), incluant Oba koso et Oba waja («Le roi est mort»), ont été publiées en version anglaise. Ces oeuvres, inspirées de l'histoire, des mythes et des légendes yorouba, sont cependant bien plus savoureuses sous forme de spectacles. Les dialogues sont réduits au minimum; la langue, très imagée, est truffée de proverbes et d'allusions; les thèmes sont austères et souvent tragiques, et une grande partie de l'impact sur le public émane de la musique, du son des tambours, et des danses cérémonielles. J. P. Clark (Nigeria) a écrit plusieurs pièces importantes en anglais: Song of Goat (1960), un drame émouvant se déroulant dans un village de pêcheurs ijaw (delta du Niger), The Masquerade (1964), The Raft (1964), et Ozidi, une version modernisée et scénique d'une cérémonie ijaw. Mais le dramaturge le plus significatif du monde africain reste sans conteste Wole Soyinka (Nigeria). Abordant du point de vue artistique la prise de conscience de l'identité africaine, s'ancrant dans l'univers mythique et cosmologique yorouba tout en traitant de sujets contemporains touchant non seulement au Nigeria, mais à toute l'Afrique, Soyinka a su créer des œuvres scéniques d'une grande puissance, souvent sur le ton du comique satirique.
Profondément africaines dans leur expression, leur perception et leur impact sont universels.
Sa pièce la Danse de la forêt (1963, A Dance of the Forest), qui lui avait été commandée pour la célébration de l'indépendance du Nigeria, mais qui fut interdite de représentation, est une oeuvre complexe qui, sur la trame des mythes yorouba, présente une nation examinant sans complaisance sa propre histoire, ses illusions, et les choix auxquels son peuple est confronté. Le Lion et le Bijou (1963, The Lion and the Jewel) et les Tribulations de frère Jero (1963, The Trials of Brother Jero) sont des satires comiques traitant de la vie dans les villages et dans les villes, et du vernis de l'européanisme. Un sang fort (1963, The Strong Breed) et les Gens du marais (1963, The Swamp Dwellers) donnent des portraits poignants de la vie villageoise. La Récolte de Kongi (1967, Kongi's Harvest) trace le portrait d'un dictateur africain et du culte de la personnalité qui l'entoure. La Route (1965, The Road), l'Écuyer et la mort du roi (1975, Death and the King's Horseman) et Fous et Spécialistes (1971, Madmen and Scientists) sont des drames philosophiques. Ce ne sont que quelques illustrations de la production théâtrale de Soyinka, qui a fait de lui le dramaturge le plus prolifique du continent.
Pour l'ensemble de son oeuvre, théâtre, poésie, fiction, mais aussi critique et essais (Mythe, littérature et le monde africain (1975), Myth, Literature and the African World), Wole Soyinka s'est vu attribuer en 1986 le prix Nobel de littérature. Premier auteur noir africain à recevoir cet honneur, Soyinka l'a accepté, non pas en son seul nom, mais comme une reconnaissance de la réussite littéraire de l'Afrique tout entière.


VI-           Internationalisation ou particularismes
L'écrivain d'Afrique noire se trouve confronté à la fois à une internationalisation de ses codes de référence et à un réflexe d'intériorisation et de «désidéologisation» de son écriture. Sa recherche des publics et des partenaires culturels devient difficile pour des raisons à la fois très directement matérielles et financières (à l'exception du Nigeria, la production africaine dépend encore très largement des maisons d'édition et des financements non africains) et aussi très intellectuelles (l'écrivain a le choix de s'exprimer en une langue européenne – et il se coupe de la masse de ses compatriotes – ou en un parler «national» – et il disparaît dans la balkanisation culturelle). Une inquiétude morale et tragique traverse de plus en plus cette littérature. Il faut prendre conscience des liens quasi schizophréniques qui se sont tissés entre les écrivains africains et leurs publics. Comme le souligne le romancier nigérian Kole Omotoso, les romans «deviennent les produits d'une espèce de voyeurisme, un coup d'oeil de ceux qui sont riches, la misère lue en silence par ceux qui n'en ont rien à faire de la dén

1-    Littératures orales africaines
On constate actuellement un regain d'intérêt pour l'oralité comme mode de culture et de communication. Le temps n'est plus où on la définissait négativement, en la caractérisant par l'absence d'écriture. L'Afrique a conservé vivante, plus que l'Europe, la pratique d'un art verbal qui se décline sous plusieurs formes : d'abord, les contes, genre emblématique de la littérature orale ; ensuite, les proverbes et enfin l'épopée. A cela on peut ajouter, sur un mode mineur, les devinettes, les berceuses et autres comptines... Il faut élargir cette vision trop étroite en embrassant un nouvel horizon plus vaste, foisonnant d'une multitude de genres méconnus : chants cérémoniels ou sacrés, joutes oratoires, panégyriques, poèmes corporatifs (cynégétiques, pastoraux, etc.). Une autre idée reçue présente la littérature orale africaine comme fondamentalement passéiste, fixée une fois pour toutes dans des répertoires rigides qui se répètent au sein d'un univers rural archaïque. En réalité, cette littérature, loin d'être figée, est soumise à une variabilité qui fait la part belle à la créativité ; elle est en perpétuelle évolution et sait s'accommoder des réalités modernes de la vie urbaine, du monde politique et du développement. Si les études approfondies sur tel ou tel aspect des littératures orales d'Afrique subsaharienne ne manquent pas, il n'existait pas jusqu'à présent d'ouvrage de synthèse, en langue française, qui fasse le point sur les problèmes théoriques et méthodologiques posés par l'approche de ce champ spécifique. L'ouvrage retiendra l'attention aussi bien des chercheurs en sciences humaines que de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, s'intéressent à l'oralité littéraire.
a)  Présentation de l'éditeur
La littérature orale est tissage de la mémoire, travail de la voix. Dans la diversité de ses genres et de ses formes, elle opère des liens, provoque des rencontres. La répétition n'y est pas le contraire de la variation, mais la condition même de son exercice, en perpétuelle mouvance. Cet ouvrage, qui représente les actes d'un colloque tenu en 2002 à Lyon, interroge, dans une approche anthropologique, les pratiques en cours et étudie un art de la relation et du passage où s'élabore une pensée métisse. Les contributions s'organisent autour des quatre axes suivants : circulations de la parole, migrations de l'imaginaire ; art de la performance, art de la relation ; traduction, transcription, transmission ; lignes de recherche, passages.
2-    La littérature orale
Réduire la littérature orale à la seule forme du conte, c’est laisser de côté de multiples usages de la parole. Le terme " littérature orale " qui apparaît tout d’abord comme un oxymoron (" littérature " est dans nos sociétés associé à l’écrit) désigne un genre très vaste et diversifié. Il regroupe à la fois les devinettes ou énigmes, les formules divinatoires, les maximes et dictons, les louanges, les anthroponymes et les toponymes, et enfin les plus connus, les proverbes, les fables et les contes. Ces genres de la littérature sont universels. Ils ont une grande importance sociale et une structure linguistique particulière. Il existe une grande solidarité entre les différents genres de la littérature traditionnelle. Les proverbes sont bien souvent l’essence d’un conte et le conte est souvent l’illustration d’un proverbe. Geneviève Calame Griaule à ce sujet explique que : "dans les soirées Dogon, où l’on raconte une histoire, on doit toujours commencer par un échange de devinettes : les contes et les fables viennent ensuite. " Il n’y a pas de réelles frontières entre les différents genres de littérature, ils utilisent le même stock thématique et remplissent les même fonctions socioculturelles. Un exemple de littérature particulière chez les Mossi est l’anthroponymie, construction des noms d’après une analyse méthodique. Par exemple, le terme PUSRAOGO désigne le deuxième enfant, masculin (raogo = mâle), que les parents ont confié à un tamarinier (pusi).
Tout comme la parole, la littérature orale doit suivre des règles quant à la profanation. Le moment le mieux adapté est le soir, à la tombée de la nuit (vers 18h-19h) autour d’un feu. Ceci pour des raisons pratiques : la journée les hommes vaquent à leurs occupations alors que le soir ils sont réunis, le corps et l’esprit reposé. Mais aussi pour des raisons symboliques, la nuit est associée à la mère et à la fécondité. Proférer la nuit est bénéfique pour la parole. Il existe aussi une littérature particulière réservée à certaines occasions : veillées funèbres, récolte, tissage, initiation... Ces règles même si elles sont différentes d’une tribu à l’autre constituent une constante des sociétés orales. La littérature orale se récite généralement dans uns case ou une aire sablonneuse à l’orée du bois en fonction de la saison. Remarquons ici que désigner le contage par le terme récitation peut sembler étrange étant donné le caractère figé de la récitation, et la théâtralité des contes. Toutefois, c’est le terme que nous avons choisi pour désigner le fait de conter, comblant ainsi, un manque terminologique. Certaines productions orales comme la littérature initiatique se récitent dans la brousse, loin des regards indiscrets. On peut également réciter sur la place publique ou au centre d’une concession. Où qu’elle se passe, la récitation est publique. Elle implique la présence de l’émetteur et du récepteur à portée de voix (sauf dans le cas des tambours parleurs). La présence d’un auditoire est indispensable : on ne dit pas un proverbe pour soi, on ne conte pas sans public. La littérature orale instaure une interaction entre émetteur et un ou des récepteur(s) qui doivent manifester leur présence. Il est de coutume que l’auditeur formule un son nasal à la fin de chaque réplique du conteur. Ce son [nn] qui signifie oui est indispensable à la poursuite du récit. Nous avons personnellement pu observer cette interaction lors d’une récitation de conte. La conteuse pour être certaine de bien garder notre attention introduisait au fil de son conte le mot " édjimé " auquel nous devions répondre " éwa " en respectant le ton qu’elle avait employé. Ces formules permettent de maintenir le contact (ce qu’on appelle la fonction phatique) et crée une complicité entre émetteur et récepteur. Comme dans toute production orale, le récit se construit dans l’interaction. La présence du récepteur peut changer le message.
Dans la littérature orale, rien n’est gratuit, on ne fait pas de " l’art pour l’art ". Comme nous l’avons vu, la littérature traditionnelle est un enseignement. Comme la parole, elle engage la société. La littérature orale ne connaît pas l’expression des sentiments égoïstes et individuels. Elle est le porte-parole de la pensée et des valeurs collectives. Elle remplit des fonctions pédagogiques, politiques, initiatiques, fantasmagoriques. En mettant en scène les problèmes quotidiens, elle assure le maintien et la survie du groupe. Elle remplit aussi une fonction thérapeutique préventive pour pallier l’excès ou le débordement. Elle aborde des problèmes comme la hiérarchie, les conflits de générations, les problèmes liés à la polygamie, ce qui révèle un souci politique du maintien de l’ordre. Mettre en scène la vie quotidienne et ses drames a pour effet de réduire les tensions : elle s’apparente à la catharsis grecque. Elle remplit également une fonction initiatique parce que c’est par la littérature orale qu’on va effectuer le rite initiatique, entre autres en contant dans une langue codée (la langue des initiés). La littérature orale puisqu’elle met en scène la société renseigne sur le milieu écologique, les habitudes, les structures, les croyances, la technologie de la société. C’est une source importante pour les ethnologues.
La littérature orale n’est pas très différente de la littérature écrite mais elle subit d’autres contraintes liées à son oralité. La première caractéristique de la littérature orale est son dualisme. Elle est passée puisque traditionnelle, mais elle est aussi tournée vers le futur et la transmission. Ce n’est donc pas un genre figé mais un genre qui évolue en fonction des besoins et de la mode Elle est constituée de deux parties : une partie rigide, l’enveloppe conservatrice qui est généralement connue par les auditeurs. Et une partie souple que le conteur adapte en fonction de son talent et de sa personnalité. Enfin, ce qui caractérise la littérature orale est sa structure rythmée. En effet, elle met en œuvre la structure tonale de la langue et s’accompagne souvent de musique et de chants. La littérature orale illustre parfaitement le rôle et l’importance de la parole dans les sociétés traditionnelles. C’est un genre complexe et riche qui se distingue de la littérature écrite par des conditions d’énonciation propres au style de vie et à la manière de penser des sociétés orales. Le genre de littérature le plus connu est le conte. Il possède les mêmes caractéristiques générales que la littérature orale plus quelques particularités. Nous allons voir quels sont ces points qui singularisent le conte à l’intérieur du genre " littérature orale ".
6-    L’écrit dans les sociétés orales
Pour Jacques CHEVRIER, " L’oralité dominante en Afrique noire n’exclut pas certaines formes d’écriture. " Et ALEXANDRE de rajouter : " l’Afrique a des écritures, qui ont servi à la rédaction d’ouvrages littéraires. ". En réalité, les sociétés orales entretiennent toutes un rapport plus ou moins étroit avec l’écrit au sens large du terme. D’une part, elles ont toutes été en rapport avec des sociétés écrites, dès le VIIIeme siècle avec l’Islam, ensuite avec les explorateurs européens puis les missionnaires. Ces contacts avec l’écrit ont laissé des traces dans la société. On observe ainsi l’usage de plusieurs alphabets différents en Afrique. ALEXANDRE les répertorie en cinq catégories. L’alphabet latin, plus ou moins modifié, longtemps utilisé pour conserver les textes oraux et actuellement le mode de transcription de langues d’Afrique de l’Ouest et du Sud. L’alphabet libyco-berbère encore employé par les Touareg. Cet alphabet aurait d’après l’auteur traversé le Sahara aux IIIeme et IVeme siècles avant notre ère. L’alphabet arabe apparu aux VIIIeme ou IXeme siècles avec les invasions musulmanes. Cette écriture a servi à de nombreux textes historiques, juridiques, théologiques, particulièrement au Soudan. L’alphabet arabe a également servi à transcrire certaines langues de l’Afrique de l’Est comme le swahili ou le somali. L’auteur suppute également la possible utilisation des hiéroglyphes égyptiens dans les premiers écrits africains mais avec malgré tout quelques réserves. Enfin, il ne faut pas sous-estimer les inventions africaines plus récentes. Dans plusieurs pays africains, on trouve des modes de transcription cohérents comme dans les langues " bamoun " au Cameroun et " nsibidi " au Nigeria. Ne pas utiliser l’écrit dans leur communication est un donc un choix délibéré. Même maintenant où la majorité des peuples d’Afrique ont l’écriture, l’oral et l’oralité gardent une place très importante. Certaines sociétés traditionnelles ont recours à l’écrit mais uniquement pour une communication bien particulière, qui a souvent rapport avec la religion ou le mystique. L’écrit est alors sacré et c’est une manière de bien différencier la langue du culte et la langue de tous les jours. Cet écrit est réservé à une infime partie de la population comme les prêtres ou les mages. On observe aussi chez certains peuples une forme d’écrit, si on prend " écrit " dans son sens de conservation, de mémoire et qu’on laisse de côté la " graphie " au sens strict. Prenons l’exemple des Taampha de Bawoyo (Zaïre/Angola). Madiya C. FAÏK-NZUJI dans son article : " les secrets de la parole sculptée " expose cette pratique des populations Bawoyo. Ce peuple privilégie dans la pratique de l’oral les " paroles du premier matin ", les " nongo ", autrement dit les proverbes. On en trouve partout. On en voit, on en entend, on en touche partout : masques, objets rituels, couvercles et ustensiles. Les Mataampha sont des couvercles et des planchettes en bois sculptés pour la communication des proverbes. Ils sont un support de communication. Ils contiennent des enseignements, des conseils et font aussi office de mémoire collective en représentant des proverbes. Par exemple, une femme qui désire son mari pourra lui signaler en lui servant son repas avec un couvercle illustrant ce désir. Ces sculptures ne sont pas des sculptures à visée esthétique mais à but de communication et de transmission d’un savoir. L’oralité dans les sociétés orales apparaît donc comme un choix de vie, une manière de penser et de communiquer. Nous avons pu voir que l’on distingue l’oral ordinaire de l’oral ritualisé, codé qui apparaît dans des situations de communication bien particulières. C’est ce qu’on appelle la littérature orale
VII-      La parole dans les sociétés orales
La parole dans les sociétés orales est sacrée. Cela nous renvoie à la notion biblique de " verbe ", fondement de toutes les civilisations : " Au commencement était le verbe ". C’est un mode de communication très sérieux et important dans la vie tribale quotidienne. On distingue deux types de parole : la parole ordinaire et la parole sacrée. Parole ordinaire ne veut pas dire parole simple. Au contraire, elle est très élaborée : images verbales, métaphores, citations de proverbes, aphorismes, images sonores ... François N’SOUDAN dans son essai sur le peuple eYe du Sud-Togo fait lui aussi cette même observation : " Dans la société eYe, la parole ne se trouve pas réduite à l’état de moyen, c’est un système de codes oraux très complexes. ". Il existe dans la vie de tous les jours un art de la conversation et les bons " parleurs " ont une réputation qui va au-delà des frontières de son village. La parole rituelle et sacrée est un mode formalisé de la parole courante. Elle se caractérise par une prosodie spéciale, une forme archaïque ou une langue secrète (la langue des initiés). Cette parole joue un grand rôle dans la sphère politique, religieuse et mystique. La parole est la " trame du monde " et un usage déconsidéré peut entraîner des troubles graves. Le caractère sacré de la parole se retrouve dans des pratiques qui peuvent paraître anodines mais qui sont en réalité remplies de sens. Fumer une pipe, mastiquer des noix de cola ou se servir de cure-dent associés à la macération de la substance végétale dans la bouche auraient chez les eYe des effets sur la parole. La manipulation de la parole est très délicate. Pour qu’elle conserve son " pouvoir magique ", il faut respecter certaines règles et interdits.
Les interdits verbaux peuvent concerner le lieu et le moment : on ne doit pas proférer certaines paroles le jour ou à telle période de l’année. Ils peuvent également être relatifs au vocabulaire, au sexe de celui qui parle, à son âge... D’un point de vue plus linguistique, ils peuvent concerner le débit de parole, la prononciation. Par exemple, il est interdit (comme dans la plupart des sociétés) de désigner directement la fonction excrétive, d’évoquer un animal dangereux (surtout le serpent) ou d’évoquer un événement pénible comme la mort de peur qu’il ne se réalise. L’interdit peut être de prononcer le nom des personnes comme l’explique Pierre ALEXANDRE Car prononcer le nom de quelqu’un, " c’est s’assurer une emprise magique sur lui ". Dans les sociétés orales, on apprend à bien parler, mais avant tout on apprend quand parler et quand se taire. Car comme le dit un proverbe swahili : " Parler est bon, se taire est bon " . C’est particulièrement au moment où sa sexualité se développe que l’enfant apprend ce qu’il peut dire et surtout à qui. Catherine KERBRAT-ORECCHIONI dans le tome III des Interactions verbales réserve un chapitre à " la place de la parole dans le fonctionnement de la société ". Elle distingue les " peuples volubiles " dont nous faisons partie et " où le silence est perçu comme menaçant [...] où l’ensemble de la vie sociale est médiatisée par le langage, et où le pouvoir repose en grande partie sur le don de la parole " et les " peuples faiblement communicatifs " où le silence est valorisé car possédant des " vertus interlocutives supérieures ". C’est le cas des Lapons ou des Finlandais. Les sociétés orales africaines seraient donc au carrefour de ces deux peuples puisque " le crédit qu’elle concède au silence et au secret résulte en partie de la nécessité de se prémunir contre cet aspect négatif du verbe " . On retrouve cette idée dans un article de Geneviève Calame Griaule : " le conteur traditionnel ; style et répertoire " in La revue du livre pour enfants n°181/182. " Traditionnellement, l’échange est interdit entre parents et enfants de sexe opposé à partir du moment où ceux-ci deviennent nubiles : il en est de même pour les frères et sœurs et aussi pour le gendre et les beaux-parents. Les Dogons [...] disent que ce serait une sorte d’inceste symbolique ". Ces interdits et ces règles soulignent bien l’importance et le poids de la parole qui est à manier avec beaucoup de précautions.
La Parole n’est pas à prendre " à la légère ", elle n’est pas seulement mot, son, elle est aussi et avant tout action. John Austin dans How to do things with words en 1962, expose sa théorie sur les énoncés performatifs. D’après lui, certaines expressions font office à elles seules d’actes. Les expressions " je te baptise " ou " je vous marie " sont des actes. Le seul fait de les prononcer réalise l’action. Dire " je vous marie " rend les deux fiancés mari et femme devant Dieu. Ces énoncés performatifs sont assez rares. En revanche, Austin insiste sur la force illocutoire de la parole selon laquelle en prononçant un énoncé, on lui attribue une force ou une valeur. Nous pensons que la Parole dans les sociétés orales si elle n’agit pas tout à fait comme des énoncés performatifs a une très grande valeur illocutoire. A ce sujet, N’SOUDAN dit du peuple eYe que : " La parole n’est pas un mode passif de communication mais un mode d’action par excellence. Parler, c’est d’abord agir. La parole se livre comme une arme redoutable et on l’utilise ; il en est ainsi des débats tant publics que privés. " La force et le pouvoir sont très présents avec cette image d’arme et de combat. Chez les eYe, ce combat ou joute verbale est appelé Halo et réunit deux communautés en conflit qui se livrent une guerre verbale. Le but de ces combats est de ridiculiser l’adversaire par la parole. Ces joutes réduisent les tensions et évitent le recours aux vraies armes. La parole a ici une valeur de catharsis. Tuer par les mots n’est pas vraiment tuer, ce n’est que perpétrer une mort symbolique. Par ailleurs, tout en réduisant les tensions, la parole soude le peuple.
La langue est empreinte du passé et de l’histoire d’un peuple. On peut déterminer grâce aux emprunts les populations qui sont entrées en contact avec un peuple donné. Ce passé commun crée la conscience dans le présent d’appartenir à un même groupe social avec une pensée et une manière d’agir communes. La langue est une des conditions d’appartenance à un groupe. Est étranger au groupe celui qui ne parle pas la langue ou qui la parle mal. En France, l’unification de l’Etat s’est faite tout d’abord par la langue avec la doctrine jacobine : " une langue, une nation ". Chez les eYe, c’est l’élément fondamental d’unité : tous les peuples eYe s’expriment en eYegbe avec quelques variantes dialectales. La parole a valeur d’intégration sociale. Elle est publique et orale, ce qui exclut toute notion d’anonymat. Celui qui parle s’implique dans ce qu’il dit et implique aussi le groupe auquel il appartient. La parole est collective, elle est l’expression de la réalité sociale.
La parole dans les sociétés orales a également une valeur éducative. L’éducation quotidienne passe par les contes et les proverbes, leçons de choses à fin moralisatrice. C’est aussi la parole de l’initiation qui fait de l’enfant un homme. La parole véhicule les valeurs traditionnelles de la société. Elle communique les connaissances techniques et ethniques. Elle est aussi le véhicule des valeurs religieuses. Elle facilite l’intégration des novices dans une nouvelle société religieuse et leur donne une culture spécialisée. Elle les fait membres d’un groupe. Mais si elle est pédagogique, la parole est aussi une marque de connaissance et de sagesse. C’est pourquoi les chefs et les notables doivent exceller dans l’art de parler. Par leur élocution originale et articulée, ils représentent la norme de la société. Chez les eYe, comme dans de nombreuses sociétés, bien parler c’est faire preuve de culture.
La parole dans le sens métonymique de communication et pas uniquement de production orale n’existe pas que dans les mots mais également dans la musique, la danse, l’expression du corps, dans les gestes. " Mais tout est parole chez nous. Si quelqu’un lève la main c’est une parole, et il en va de même pour la musique, le chant et la danse qui ne rythme pas seulement le conte mais toute la vie ! " Gabriel KINSA, La croix La kinésique, production des gestes, est liée à la production de la parole. Et tout comme la parole, elle connaît des interdits. Certains gestes sont rejetés comme montrer du doigt par exemple. Dans certaines circonstances, le geste se substitue à la parole. Dans le sud Cameroun, les chiffres ne doivent pas être prononcés. Ils sont remplacés par une onomatopée et le geste représentant le chiffre. Dans la plupart des cas, le geste aide à formuler la pensée. Les gestes se font de la main droite, ceux de la main gauche étant considérés comme impolis. Dans certaines sociétés, le geste étant un auxiliaire à la communication, celui qui parle sans aucun geste est considéré comme très intelligent. Au contraire, quelqu’un qui parle avec beaucoup de gestes est " léger ". Peut également être considérée comme un geste la posture du corps, " vraie parole ". Pour Zahan, " la parole que l’on parle assis, c’est la parole de la vérité ; la parole que l’on parle en se promenant, c’est une supposition, la parole que l’on parle couché, c’est une confidence. " De même dans certaines sociétés, on se dispute debout mais on se réconcilie assis.
La parole est résolument traditionnelle puisqu’elle prend ses racines dans l’histoire profonde de la société. Mais elle est aussi tournée vers le futur puisqu’elle tend à transmettre ce patrimoine culturel. La parole est dualiste, elle existe dans une double perspective : l’échange immédiat et la tradition, conserver et évoluer. Elle affiche donc les même objectifs que l’écrit dans nos sociétés, conserver et transmettre. Mais le code écrit est-il vraiment absent de ces sociétés orales ?
VIII-    Qu’est ce qu’une société orale ?
Le sens commun veut qu’une société orale soit une société qui ne connaît pas l’écrit et " qui parle beaucoup ". La réalité est beaucoup plus complexe. Jacques CHEVRIER refuse de qualifier les sociétés orales de sociétés " sans écritures ". Pour lui, " l’oralité et l’écriture ne s’inscrivent pas dans un rapport de succession, d’évolution, ou d’exclusion, mais elles correspondent, chacune à leur place, à des modèles d’expressions spécifiques obéissant, toute idée de hiérarchie mise à part, à des conditions de production, de transmission, de conservation étroitement dépendantes d’un certain type de société. " Une société orale ne subit pas son oralité, elle en fait le choix. Cette oralité est soumise à un grand nombre de règles et remplit des fonctions sociales très importantes. Jean CAUVIN qualifie la société orale de " groupe humain qui, même s’il connaît l’écriture fonde la plus grande partie de ses échanges de messages sur la parole ". Pour lui, " une société orale a lié son être profond, sa mémoire, son savoir, ses conduites valorisées, son histoire, sa spécificité à la forme orale de communication. C’est à dire qu’il n’y a pas seulement un échange de messages dans l’instant actuel, mais il y a aussi un échange entre le passé et le présent avec ce qui fait que telle société dure à travers le temps parmi d’autres sociétés ". Cette définition nous semble très juste car elle met en avant l’idée de l’oral comme choix de vie et elle insiste sur le lien présent/passé qui est une des fonctions principales de la parole dans ces sociétés.



1-    Qu’est-ce qu’un conte ?
a)    Les conteurs
Le statut du détenteur de la parole en Afrique change beaucoup d’un peuple à l’autre. Souvent, ce sont des non professionnels qui profèrent la parole traditionnelle, mais il existe également un grand nombre de spécialistes de la parole : barde, musiciens, chanteurs, généalogistes, historiens, conteurs, griots. Ils ont chacun un rôle bien précis. Nous étudierons plus précisément la place et le rôle des conteurs et griots dans les sociétés traditionnelles. Mais tout d’abord, nous allons nous pencher sur le cas des amateurs. Traditionnellement, seuls les vieillards et les sages pouvaient conter car ils représentaient la tradition et la sagesse de la société. Puis le genre s’est démocratisé et aujourd’hui tous peuvent conter : hommes, femmes, enfants. Les amateurs content dans un cadre privé, intimiste. Ils content le soir après une journée de travail. Dans de nombreuses ethnies, chacun peut intervenir librement au cours des veillées à condition de respecter le protocole de distribution de la parole. Le conteur doit tout d’abord s’annoncer, ensuite, il doit avoir une parfaite maîtrise du texte qu’il veut conter. Enfin, il ne doit pas s’arrêter en cours de route. Pour que la récitation se déroule bien, il faut que la relève soit assurée à la fin de chaque conte. Les femmes peuvent conter le jour aux enfants. Leur répertoire est composé de contes sur la famille, la vie de femme, le mariage... Les enfants content surtout entre eux pour mémoriser les contes. Ils peuvent conter aux adultes mais ce seront des contes brefs qu’ils auront entendus à l’extérieur. Quand les hommes content entre eux, ce sont souvent des contes grivois que les femmes n’ont ni le droit d’entendre ni le droit de conter. Certains contes sont réservés aux femmes, d’autres aux hommes. Cette règle est respectée sous peine de grand malheur. Dans les questionnaires et les entretiens que nous avons étudiés, nous avons pu remarquer que ce sont souvent les femmes qui content et plus particulièrement les grands-mères. Aujourd’hui, avec le bouleversement des structures traditionnelles, les rôles ne sont plus vraiment respectés et chacun peut conter.
Christiane SEYDOU a étudié les conditions du Griot dans la société peule. Nous nous sommes largement appuyée sur son étude pour comprendre cette caste particulière. Chez les Peuls, il est fait une grande distinction entre les personnes de naissance et de condition libres et les esclaves ou captifs. Les griots font partie de cette deuxième classe et se situent dans la caste inférieure avec les bijoutiers, les tisserands, les cordonniers, les artisans du bois... La classe des griots se subdivise elle-même en sous-classes : les mâbo, les gawlo et les tiapourta.
Certains conteur sont uniquement des diseurs, appréciés pour leur sobriété et la profondeur de leurs paroles. Mais la plupart sont des amuseurs, des conteurs-acteurs. L’art de conter est à mi-chemin entre l’art de la parole et l’art du geste. Le conteur est l’acteur principal de son spectacle, il donne vit à tous les protagonistes du conte. Il est successivement animal, végétal, gentil, méchant, homme, femme. Le récit du griot est vivant parce que variable. A partir d’une même structure, le conteur peut improviser librement des milliers de contes. L’art du griot est dans sa façon originale d’actualiser la tradition ; de s’adapter à son public et à ses besoins. La littérature traditionnelle et plus particulièrement le conte -puisque c’est notre sujet, nous apparaît comme un genre codé très ritualisé et fortement ancré dans une société aux antipodes de la nôtre. Cette constatation nous pousse à nous interroger sur les difficultés que deux sociétés si opposées : la société africaine et la société occidentale peuvent rencontrer lorsqu’elles sont en contact. Mais aussi sur les conséquences que peuvent avoir ces contacts sur la structure de ces sociétés et la mentalité des populations. C’est pourquoi nous allons étudier plus précisément les notions de culture et d’interculturel.
d)    Les fonctions du conte
Nous l’avons vu, la littérature orale remplit de nombreuses fonctions dans la société : initiation, éducation, distraction... Le conte, est plus particulièrement le miroir de la société, il souligne les mentalités, révèle les croyances et valorise certaines conduites. N’SOUGAN étudie en détail les fonctions du conte eYe selon cinq axes. Tout d’abord, le thème central met en valeur un problème ou un conflit au sein de la communauté. Par exemple, le conte expose des problèmes dans les rapports entre co-épouses. Dans le dénouement, il propose une solution à ce problème. " C’est un cours à la fois théorique et pratique que la société par le truchement de ce genre littéraire, donne à ses membres. C’est un véritable cours d’éducation morale. ". Le conte provoque chez les auditeurs de forts sentiments et impose des normes morales. Il mobilise toutes les ressources de l’individu : " de la pensée aux muscles ". Le public s’engage dans le conte et la société y trouve son modèle de référence. Le thème secondaire joue un rôle de " thérapeutique préventive ". Ce thème secondaire met à l’épreuve le système, et dévoile ses failles, ce qui permet une prise de conscience et une plus grande prudence. Enfin, le dénouement a une fonction éducatrice évidente. Il peut être sous forme de conseils ou de morale. Le rôle social et pédagogique du conte n’est plus à prouver. Ce que nous remarquons ici est que le caractère didactique n’est pas uniquement réservé aux enfants. Le conte agit comme une " formation continue " puisqu’il répond à l’évolution des besoins et des manques. Le conte en le remettant en cause, assure la stabilité du système. Il souligne sa fragilité, ce qui oblige le peuple à être vigilant. C’est essentiellement sur ce point que les contes africains et européens divergent. Le conte africain est un enseignement et il le revendique. Le conte européen, lui, est un amusement populaire. Tout d’abord, par " conte européen ", nous désignons les contes populaires oraux et ruraux et non pas les contes littéraires remaniés pour les goûts que la Cour par des auteurs comme Perrault. Les contes populaires sont ceux qui se rapprochent le plus du conte africain : pratique sociale, narration orale et publique, divertissement et cohésion sociale. Ce genre a quasiment disparu en France au XVIIIeme siècle. De nombreuses études ont été entreprises par des linguistes, des ethnologues et des psychanalystes comme Bettelheim, Jüng et Freud qui ont mis en avant les fonctions éducatives du conte populaire, son importance dans la construction du Moi de l’enfant, le dépassement des interdits... Nous ne remettons pas ici en cause ces théories fort intéressantes. Mais s’il est possible que le conte aide l’enfant à se forger son Moi, ce n’est pas là sa fonction première. Le conte populaire français est un divertissement, c’est un moment agréable et un moyen ludique de passer le temps. D’ailleurs, Emilie MAGNE définit le conte populaire comme un " récit simple et souvent emprunté aux sources populaires " dont le but est de " réjouir les enfants ".
e)     La langue des contes
Nous l’avons vu, on ne conte pas dans la langue de tous les jours, mais dans une langue sacrée. Chez les Peuls, la langue du conte est pure, sans emprunts à la langue arabe alors que la langue ordinaire en est truffée. La langue du conte est imprégnée d’impressionnisme. Le vocabulaire est riche en mots expressifs, particulièrement des verbes. Il faut suggérer beaucoup en peu de mots car le style oral nécessite une réduction du texte. Cette réduction est possible grâce aux nuances de voix, aux imitations et aux symboles. La langue du conte est très rythmée, c’est ce qui permet sa mémorisation. Elle est également musicale. Cette musicalité est dans le rythme du conte mais aussi dans les instruments qui l’accompagnent. Le langage se sert des sonorités comme d’une valeur d’expression. Le langage dans le conte n’est pas uniquement verbal, beaucoup d’émotions passent par le corps, les gestes et les expressions du visage.
f)      Les personnages du conte
Ils sont de toutes sortes : humains, animaux, minéraux, végétaux et de tous milieux : rois, paysans, commerçants, enfants ou adultes, femmes ou hommes. Les personnages peuvent aussi être surnaturels : monstre et génie, ou allégoriques : l’Amour, la Bonté, la Mort. Il arrive qu’un même conte mélange plusieurs catégories de personnages. Parfois même, dans les relations de parenté. Il n’est pas rare qu’un homme soit marié à une araignée ou qu’une femme ait pour fils un lièvre. Comme dans les Fables, les animaux sont personnifiés et ont des traits de caractère prédéfinis. Alors que les personnages dans les contes européens peuvent jouer plusieurs rôles (ce qui compte selon PROPP, c’est la fonction en elle-même et pas comment ou par qui elle est effectuée) ; les personnages africains sont à eux-seuls des fonctions et des rôles. La Hyène par exemple est gloutonne, malhonnête, brutale et elle échoue toujours dans ses actions malhonnêtes. Son rival, le lièvre est plutôt rusé, il l’emporte à tous les coups face à la hyène. Dans les contes en miroir, les deux personnages sont en réalité les deux aspects opposés de la personne humaine : le bien et le mal. Ces personnages apparaissent avec une plus ou moins grande fréquence dans les contes. Ils jouent chaque fois un rôle caractérisé. PROPP classe les personnages en sept catégories d’après les fonctions qu’ils peuvent accomplir. ADAM, dans Le texte narratif reprend ce classement et met au point un " schéma actanciel " des contes merveilleux qui semble valable pour tout récit. Dans les contes africains, le héros (sujet) peut être un seul personnage ou plusieurs comme dans le cas des contes en miroir où ils sont deux. Il se voit attribuer une quête (objet) par un initiateur (destinateur). Le rôle de l’initiateur est souvent dans les contes initiatiques attribué à la marâtre qui exige du héros la réparation d’une faute commise (aller chercher une calebasse neuve) ou un service (aller chercher de l’eau au fleuve). Pendant son aventure, le héros rencontre des adjuvants qui l’aident généralement après un service rendu, par un don magique ou une parole bénéfique. Il doit aussi affronter des opposants qui lui tendent des pièges pour qu’il n’arrive pas au bout de sa quête. Enfin, le destinataire est celui à qui va profiter la quête. Souvent, il se confond avec le destinateur. Ces différents intervenants sont les personnages secondaires du conte. Ils vont tous avoir une grande influence sur le déroulement de la quête. Ils ne sont pas toujours tous présents dans le même conte. Les personnages qui apparaissent le plus souvent sont l’Araignée, le roi, la femme, la hyène, l’orphelin, le génie...
g)    La structure du conte
Le conte est très souvent encadré par une formule d’entrée et une formule de sortie. Nous avons déjà évoqué l’existence d’expressions phatiques pour maintenir l’attention du public. Il existe également des formules pour entrer et sortir du conte. L’annonce est faite pour mettre dans l’ambiance du conte : " Ceci est un conte ", " je vais raconter l’histoire de X et Y ". Elle met en avant le caractère mensonger ou fictif du conte : " Voici ce qui fut ici, cela sera ou ne sera pas, c’est un conte ". Les formules finales assurent la transmission du conte et permettent l’enchaînement entre les contes. Elles incitent d’autres personnes à prendre la parole : " Le conte a parlé, il se tait. ", " Le conte est fini, je vais le replacer sous l’arbre où je l’ai trouvé. ". Elles marquent également le retour au monde du réel. Ces formules installent le conte dans un monde imaginaire et symbolique. Elles marquent le changement de monde et de langue ainsi que l’entrée dans le conte. Ces formules sont souvent symboliques et imagées ; elles utilisent des métaphores et autres images : " Que mon conte soit beau et se déroule comme un fil. ".François N’Sougan compare les contes aux pièces de théâtre et divise leur structure en cinq. Tout d’abord, il voit dans l’introduction, les " trois coups " du théâtre. Cette introduction est composée de la formule d’annonce qui met en place une relation active entre le conteur et l’assemblée. Ensuite vient la présentation des personnages. Le conteur les cite, parfois les décrit et peut également les placer dans leur contexte : " N’Gor Séné était un Sérère de Diakhaw " Après cette présentation vient le conte lui-même. Il est composé de discours et parfois de chants. Les chansons sont brèves mais fortement chargées émotivement. Cette émotivité est accentuée par la participation collective des auditeurs. La conclusion est divisée en deux parties : une conclusion logique : " Le frère se remaria ; et ils vécurent tous ensemble très heureux. " et une conclusion morale : " Il ne faut pas écouter la parole des femmes. ". Enfin, le conte peut se terminer par une formule de fin, que N’Sougan compare au " baisser de rideau ". La structure du conte africain n’est pas très éloignée de la structure du conte européen telle que la décrit Vladimir PROPP. Pour lui, le conte se divise en trois " séquences ", une séquence étant " tout développement qui va d’un méfait ou d’un manque à sa réparation ".(SIMONSEN Michèle) Chaque séquence contient des " fonctions " (31 au total) qui s’enchaînent. Tous les contes ne font pas intervenir les 31 fonctions, mais leur ordre est immuable.
h)    Qu’est ce qu’un conte ?
Geneviève Calame Griaule le définit comme un " genre narratif en prose ". Elle précise ensuite que le conte est une fiction, qui relate des événements imaginaires, hors du temps ou dans des temps lointains. Certains contes prétendent raconter la réalité, des événements réels arrivés dans le village ou à des personnes connues. De manière générale, les contes sont inventés, seuls les mythes racontent l’histoire vraie ; on les appelle " parole vraie ". Pour N’Sougan, le conte est une " pièce classique ", elle suit des lois précises et invariables quant à leur structure. Il affirme également que la nature des personnages du conte, son schéma ritualisé et les expressions archaïques prouvent l’origine religieuse du conte. Chez les eYe, le conte (gli) vient de " Fetome ", le lieu des Origines ou les dieux et les hommes sont nés. La frontière entre les différents genres de la littérature orale n’est pas toujours nette, surtout en ce qui concerne les fables et les mythes. Nous allons voir en quoi la structure du conte est particulière.
IX-          Tous les contes
1-   La sorcellerie en Afrique noire
a)    La sorcellerie existe t’elle ?
Que répondre à cette question, si ce n’est
Nous pauvres africains qui vivons dans ce monde de sciences occultes sommes persuadés que OUI Et ne cessons d’alimenter nos esprits par des faits plus ou moins vrais. Mais plus le temps passe et plus on oublie nos traditions et les " bonnes " vieilles histoires de notre pays. C’est pourquoi j’ai décidé d’y remédier en vous racontant cette petite histoire . A vous de me dire ce que vous en pensez.
En Afrique, les principales valeurs restent la famille et la tradition. Dans le cadre de la tradition, la sorcellerie, science occulte, tient parfois une place de choix dans la vie de la population. C’est le cas d’un petit village perdu dans les lointaines terres du Cameroun, (en bordure côtière ) appelé " metimbêlembé" , où à cause d’une grande présence mystique, la population est composée en majorité de vieillards. Ceux-ci se livrent chaque jour une véritable bataille spirituelle afin de s’approprier le maximum possible de terres, véritable signe de richesse. Le jeune EDIMO, fils unique de monsieur EYANGO , l’un des dignes notables du village , est admiré de tous. Travailleur acharné, il entretient alors les vastes plantations de son père , tout en faisant des études dans le lycée de la ville de DOUALA, à une centaine de kilomètres de là. Il est malheureusement envié par un petit groupe de trois vieillards, craints dans le village, à cause de leur pratique de la sorcellerie et qui convoitent par la même occasion, les terres familiales. Un jour, après les travaux matinaux du champ, EDIMO ,au cours d’une partie de football avec des amis comme à l’accoutumé, alla récupérer le ballon tombé au bord de la rivière. Lorsqu’il s’approcha du fleuve, il fût alors happé dans l’eau par une force étrange et invisible, sous les yeux ébahis de ses camarades. Voyant ce qui se passait, ses camarades accoururent alors pour lui porter secours, mais une fois dans l’eau, ils poussèrent des cris de douleurs qui alertèrent quelques pêcheurs du fleuve du WOURI. Les cinq enfants ressortirent alors de l’eau sans le jeune EDIMO, le dos en sang comme si ils avaient été battus.
Devant ce mystère, la population organisa très rapidement les recherches ; mais malheureusement, aucune trace du jeune EDIMO. Le chef du village était consterné ; une fois de plus, il se retrouvait impuissant face à la nouvelle disparition d’un jeune du village. La mère d’EDIMO était en pleurs, le père quant à lui demeurait calme et pensif. Quelques jours plus tard , l’air décidé, il alla se placer au centre du village, convoqua toute la population par tam-tam et dit : " 3 jours sont écoulés, mon fils n’est toujours pas revenu ; si dans 3 jours il ne reapparaît pas, alors vous, sorciers du village, vous qui convoitez mes terres, vous qui vous vous en prenez à ma famille , devrez répondre de vos actes. "
Le chef du village et quelques notables face à cette proclamation, essayèrent de le raisonner devant la tournure que prenaient les évènements ; les femmes elles ,poussèrent des cris, prédisant un terrible événement qui allait se produire dans le village. Seuls les 3 vieillards ne réagirent pas. La nuit tombée, ils se réunirent alors et tinrent conseil ; " La solution à cette menace est d’ anticiper et d ’ éliminer le vieux EYANGO avant qu’ il ne se venge". Tel fût la décision de nos trois compagnons. Un jour où EYANGO revenait de ses plantations, le vieillard MOTA-SI décida de l’ attendre dans une clairière et de l’ éliminer. Ce ne fût que bien plus tard , à la nuit tombée , que le père du jeune EYANGO y arriva ; qu’elle ne fut sa surprise lorsqu’il fût attaqué par un énorme serpent. Après un combat acharné, il put atteindre sa machette tombée par terre lors de l’assaut du reptile. Avec l’énergie du désespoir, il asséna un coup sec qui trancha la tête du serpent. EYANGO se libéra de l’étreinte du reptile et courut jusqu’au village. Lorsqu’il revint accompagné de quelques hommes du village, ils purent alors remarquer avec stupeur qu’ à la place où était le serpent , il y’ avait le corps inerte et décapité du vieux MOTA-SI . Tout le monde cria à la sorcellerie. Devant ce phénoméne, le vieux EYANGO decida alors d’ aller voir le célebre sorcier connu de tous PAPA MAWU , banni du village pour ses nombreuses participations dans de mystérieux décés dans le village. Après 3 jours de marche dans la forêt, risqué la mort une dizaine de fois, EYANGO arriva finalement dans la case du sorcier. PAPA MAWU lui dit alors, je ne peux te ramener ton fils, mais parcontre, je peux t’aider à retrouver ceux qui te l’ont pris. Pour cela, tu devras me donner ton terrain de nkombesek, 3 chevres, 2 poulets rouges et pour la potion, de la bave de serpent en rut. Le vieux EYANGO n’avait pas trop le choix et s’ éxecuta ; 2 jours après, il put tant bien que mal fournir le nécéssaire au sorcier, et rentra finalement chez lui. Quelque temps après, on apprit un nouveau décès dans le village, celui du second des trois sorciers, le vieux MOTA- MWENYA. Devant ce second décès, le 3éme vieillard décida de demander pardon à EYANGO, et de faire revenir le jeune EDIMO, disparu il ’y’a maintenant de cela 2 semaines. Quelques temps après, EDIMO ressortit de l’eau, avec le ballon de football, sans trop savoir ce qui se passait. Il retourna chez lui , sous l’ étonnement de toute la population .Sa mère sauta de joie , et son père organisa une grande fête pour célebrer le retour de son fils unique. Mais ce n’était pas terminé, car PAPA MAWU , fidèle à sa réputation , élimina malgré tout MOTA-NDOLO, le 3éme vieillard. Tout le village célébra le retour du jeune homme, qui ,lui, n’avait pas du tout conscience de ce qui s’était passé. EYANGO prit alors la décision d’envoyer son fils poursuivre ses études à l’ etranger très loin du village, à l’abri de la sorcellerie et de la convoitise de certains habitants du village, non pas sans une protection spirituelle au préalable.
2-    L’histoire des trois sourds
C’est l’histoire d’une femme. Elle était sourde, tellement sourde qu’elle n’entendait rien. Tous les matins elle portait son enfant sur son dos et elle se rendait à son champ. Elle avait un immense champ d’arachides. Et un matin qu’elle était là, tranquillement à travailler dans son champ, arrive un monsieur. Un monsieur tellement sourd qu’il n’entendait rien. Et ce monsieur cherchait ses moutons. Ecoutez-bien ! Il s’adressa à la dame :
"Mon champ s’arrête la bas !"
Mais elle, n’ayant rien entendu, rien compris, elle a pensé que ce monsieur lui demandait juste jusqu’où son champ s’arrêtait. Elle se retourna pour lui dire :

La Leçon
3-    L’Hyène et le coq
La hyène qui ne se nourrissait que de viande fini par goûter un jour de la volaille. Et depuis ce jour, elle prit la ferme décision de ne manger autre chose que de la volaille. Tous ses congénères la conseillèrent, mais tous les efforts pour la ramener à la raison se soldèrent par des échecs. Ainsi, la hyène tua beaucoup d’oiseaux de la brousse. Elle fini par faire disparaître l’espèce des oiseaux de la brousse. Un jour, elle parcouru toute la brousse et ne vit aucun oiseau. Elle se promena toute la journée mais ne vit rien du tout ; se promena même la nuit, mais toujours rien. Fatiguée, elle se réfugia sous l’ombre d’un grand arbre. Soudain, qu’est-ce qu’elle entend dans les feuillages au dessus de sa tête : des cris de chèvre.. ! Elle s’étonna en ces termes : "Dieu tout puissant, qui peut faire monter une chèvre sur un si grand arbre ?" Se rappelant sa promesse de ne manger que de la volaille, elle se détourna de cette réflexion et se mit à dormir. Quelques instants après, les mêmes cris reprennent de plus belle. Elle s’interrogea de nouveau : "Je sais que les chèvres grimpent les arbres, mais, des arbres de cette taille, il faut dire qu’il y a de quoi s’interroger. D’où peut venir cette chèvre mystérieuse ?" Les cris reprennent une troisième fois et perturbèrent la sieste de la hyène. Elle décida alors d’en savoir d’avantage. Elle jura que cet animal soit un fauve ou une volaille, elle le mangera. "J’avais juré de ne manger autre chose que de la volaille, mais puisque je suis seul ici et sans témoin, je vais manger cette chèvre et personne ne saura rien." Lorsqu’elle leva la tête, que vit-elle dans l’arbre : un gros coq aux ergots très longs. Elle s’étonna en se disant : "mais n’est-ce pas cet oiseau qui faisait des cris de chèvre ? D’où vient-il ?"
Elle s’adressa alors au coq en ces termes :
4-    Le pauvre lazard
Lazard était un pauvre cultivateur qui se contentait du peu qu’il avait. Ses trois enfants lui apportaient le bonheur car chacun avaient un don particulier. Le premier de ses enfants avait le don de clairvoyance, le deuxième avait le don de voler à grande distance et le troisième possédait le don de guérison. Un jour, alors que tous ses enfants étaient aux champs, Lazard tomba très gravement malade au point de mourir dans l’immédiat si rien n’était fait. Au même moment, l’enfant ayant le don de clairvoyance vit l’état de son père et appela ses frères : - Père est très souffrant, nous devons rentrer au plus vite ! Le deuxième enfant ayant le don de voler les pris sur ses épaules et les porta du champ jusqu’à la maison. Le troisième enfant au don de guérison miraculeuse utilisa son pouvoir pour guérir leur père. Tous furent heureux de voir leur père sur pieds. Puis chacun des enfants revendiqua à lui seul le mérite d’avoir sauvé leur père. Le premier dit : - Si je n’avais rien vu, vous n’auriez jamais vu qu’il se passait quelque chose d’anormal à la maison Le deuxième soutint sa position en s’exclamant - si je ne vous avais pas portés immédiatement à la maison, notre père bien-aimé serait mort avant notre arrivée Le troisième ajouta - c’est mon don de guérison miraculeuse qui a sorti Père de son mal
Selon vous, qui de ses trois enfants a vraiment sauvé son père ?
5-    L’ingratitude punie
Conte burkinabé
Wende avait une mère chèvre qu’il confia à une vieille femme. Un jour la hyène arriva et mangea tous les petits de la chèvre, pendant que celle-ci n’était pas là. Quand la mère chèvre revint, elle ne retrouva plus que les têtes devant les cases. Alors elle creusa un puits et en dissimula l’orifice avec une natte. Elle ramassa soigneusement toutes les têtes de ses enfants et les mit sur la natte. Le lendemain, la hyène revint et, ne trouvant pas autre chose, se jeta sur les têtes si bien qu’elle tomba dans le puits. A ce moment-là, un âne passa à côté. « Mon frère âne, dit la hyène, ne pourrais-tu pas me faire sortir ?
6-    Tours de lièvre
Putois, Rat, Civette, Rat-palmiste et d’autres encore de la race fouisseuse, ne furent pas peu étonnés de recevoir ce jour-là de si bon matin, les uns après les autres, la visite de Leuk-le-Lièvre. A chacun le tout-petit-aux-longues-oreilles avait parlé tout bas, puis, galopant vif, s’en était allé plus loin vers la demeure du voisin. Le soleil chauffait dur et dru lorsque, sautillant du derrière, Leuk regagna l’ombre fraîche de son buisson pour y attendre la fin du jour. La nuit tombait quand le peuple des longs museaux s’approcha en rangs serrés du village des hommes, où cependant, plus d’un de leurs aïeux, pour une aile de Poulet, quelques grains de mil et autres vols de moindre importance, avaient laissé leurs dépouilles. Les enfants du village, en effet, aussi lestes que Golo-le-Singe et rapides comme M’Bilela-Biche, y maniaient de tous temps et dextrement gourdins de cailcédrat et épieux de lingué. Civette, Putois, Rat et Rat-palmiste et les autres, dépassant les champs de mil et d’arachides, s’approchaient donc du village de N’Dioum, car le souvenir des coups mortels reçus par les pères de leurs pères était ce soir là terni dans leur mémoire par l’image des richesses et du butin que Leuk-le-Lièvre leur avait promis : mil, poulet, arachides, manioc et même miel, que, leur avait-il dit, Bour-le-Roi avait entassés dans une case sans issue, construite au milieu du village. Or Leuk, en leur disant cela, savait fort bien qu’il mentait plus qu’à moitié ou plus exactement, il oubliait un tout petit détail. Il savait, mais il s’était bien gardé de le dire, ce que renfermait en outre la case. C’est Thioye-le-Perroquet qui le lui avait appris. Celui-ci avait surpris les palabres de Bour et de ses conseillers, palabres qui avaient précédé la construction de la case-sans-issue qu’il fallait atteindre en creusant la terre depuis les abords jusqu’au centre du village, où les maisons avaient été démolies sur une étendue de sept fois sept cents coudées pour y laisser seule la case qu’entouraient sept tapates. Gâté depuis son enfance, ne connaissant que ses caprices, Bour-le-Roi avait décidé d’enfermer, dans la case-sans-issue, Anta, la plus jeune de ses filles, pour savoir, disait-il, si la femme qui n’a jamais connu l’homme pouvait avoir un enfant. Thioye avait entendu ce qu’avait ordonné le Roi, et il l’avait répété sans intention, simplement pour le plaisir de rapporter, et parce que Leuk avait été le premier qu’il avait rencontré en s’envolant de l’arbre-des-palabres. Mais Leuk, qui de sa vie n’a respecté ni père, ni mère, voulait jouer un tour à Bour-le-Roi. Il avait commencé en les trompant, par se servir des gens à longs museaux. Quand ils eurent débouché dans la case-sans-issue, après avoir creusé toute la nuit durant, Rat, Rat-palmiste, Civette, Putois et les autres s’enfuirent en voyant que les richesses promises par Lièvre étaient gardées par une jeune fille. Le souvenir des malheurs arrivés à leurs ancêtres leur était revenu à la mémoire. Ils s’étaient rappelé à temps qu’à N’Dioum les filles étaient aussi habiles que les garçons dans le maniement des gourdins et des épieux. Ils regagnèrent tous la brousse, se promettant de se venger de Lièvre qui les regardait détaler, caché non loin de l’entrée du souterrain. Quand ils eurent tous disparu, Leuk suivit le chemin qu’ils lui avaient tracé et vint trouver Anta - Bout, ton père, dit-il à la jeune fille, se croit plus malin que quiconque sur terre, mais moi je lui apprendrais encore beaucoup de choses qu’il ignore. Il a cru pouvoir t’empêcher d’avoir un mari. Veux-tu de moi ? -Qui es-tu ? Comment t’appelles-tu ? demanda Anta. -Je m’appelle Mana (C’est moi). Veux-tu de moi comme mari ? - Oui ! fit la jeune fille. Leuk, par le même chemin, revint tous les jours tenir compagnie à la fille du roi, tant et si bien qu’un jour elle devint enceinte, et neuf lunes après, mit au monde un garçon.Trois ans passèrent, et Leuk venait - bien que moins assidûment voir sa famille et S’amuser avec l’enfant.Un jour, Narr, le Maure de Bour, qui se promenait de bon matin récitant des versets du Coran près de la tapate aux sept enceintes, crut entendre des cris d’enfant. Il courut, perdant ses babouches, chez le roi : - Bour, bilahi ! walahi ! (en vérité ! au nom de Dieu !) j’ai cru entendre des cris dans la case-sans-issue. On envoya un esclave qui franchit les sept tapates et écouta contre la case-sans-issue. - Ce sont des cris d’enfant, revint-il dire. - Que l’on mette à mort ce fils de chien, dit Bour en courroux, et que l’on jette son cadavre aux charognards. Et l’on tua l’esclave. Un autre alla écouter et revint affirmer que c’était bien un enfant qui criait. - Que l’on tue cet enfant d’insolent, ordonna le roi, et le deuxième esclave fut mis à mort. Ainsi en fut-il de trois autres messagers qui étaient revenus dire que c’était un enfant que l’on entendait. - Cela n’est pas possible, dit le roi. Qui aurait pu pénétrer dans la case ainsi close ? Il envoya un vieillard après qu’on eut pratiqué un passage à travers les sept tapates. A son retour, le vieillard dit : - Oui ! on entend bien une voix qui crie, mais je ne pourrais pas dire si c’est Anta ou si c’est un enfant qui crie. - Que l’on démolisse la case, ordonna Bour, on verra bien. Ainsi que dit, il fut fait, et l’on trouva Anta et son fils. - Qui t’a fait cet enfant ? demanda le roi. - Mana (C’est moi), répondit Anta. - Comment c’est toi ? Qui est ton père, toi ? - Mana, dit le petit garçon. Le royal père et grand-père ne comprenait rien à tout cela : sa fille qui s’était fait toute seule un enfant ! et cet enfant déclarait de son côté être son propre père !Que l’on réunisse, dit Bour, sur les conseils des Plus vieux notables, que l’on réunisse tout ce qui vit et marche dans le pays.Quand tous, bêtes et gens, furent rassemblés le vendredi, Bour donna trois noix de colas au fils d’Anta et lui dit - Va remettre ces colas à ton père. L’enfant alla, dévisageant hommes et animaux, hésitant, s’arrêtant, repartant. Quand il s’approcha de Leuk-le-Lièvre, celui-ci se mit à gratter furieusement, à sautiller, à se plaindre : - Il y a trop de fourmis et de termites par ici ! et il changea de place. L’enfant continuait sa recherche. - Que de fourmis, ma parole ! disait Leuk en le voyant s’approcher et, d’un bond, il s’en allait plus loin derrière un plus gros que lui. Cependant, un des vieillards de la suite du roi s’était aperçu du manège de Leuk. - Qu’a donc Lièvre à se plaindre des fourmis et des termites, et à changer constamment de place ? fit-il. - Faites-le rester au même endroit, ordonna le roi. Pour se faire, on entasse sur trois nattes sept pagnes et une peau de mouton par-dessus. - Mets-toi ici, frère Leuk, dit un griot, tu n’auras plus à craindre fourmis ou termites. Force fut bien à Oreillard de demeurer sur cette couche moelleuse, de ne plus changer de place, de ne plus se dissimuler, de ne plus éviter l’enfant, qui vint lui tendre les trois noix de colas. Ah ! C’est toi ? dit Bour toujours en colère. C’est toi qui te fais appeler Mana (C’est moi) ? Comment as-tu fait pour arriver jusqu’à ma fille ? - C’est Putois, Fouine, Rat-pahniste, Civette et les autres, leurs frères et cousins, qui m’ont ouvert un souterrain. - Eh bien ! je vais te tuer. Allez-vous-en tous, dit Bour aux hommes et aux animaux que sa colère faisait trembler encore. Je vais te tuer, Leuk ! - Bour, dit Leuk, tu ne peux pas tuer le père de ton Petit-fils ! - Que peux-tu m’offrir pour racheter ta tête ? - Ce que voudras, Bour. - Eh bien ! avant six lunes, je veux que tu m’apportes une peau de panthère, deux défenses d’éléphant, une peau de lion, et des cheveux de Kouss-le-lutin-barbu, ordonna le roi. - Comment va-t-il faire ? se demandèrent les vieillards de la suite du roi. Leuk s’en alla, sautillant du derrière, secouant, clap ! clap ! telles des sandales de femme peulhe, ses longues oreilles. Il trouva Sègue-la-Panthère près de la rivière et lui demanda - Mon oncle, pourquoi restes-tu avec une peau aussi sale et pleine de taches ? Pourquoi ne te baignes-tu Pas dans la rivière ? - C’est que, répondit la panthère, je ne sais pas si je sais bien nager. - Eh bien ! enlève ta peau, mon oncle, je vais te la nettoyer pendant que tu resteras dans ce trou pour ne pas attraper froid. Sègue se dépouilla et, pendant quelle se terrait dans le trou, Leuk, au bord de l’eau, enduisait l’intérieur de la peau de piment après l’avoir trempée, et ensuite : - Oncle ! oncle, remets vite ta peau ; il va pleuvoir. En effet, le temps menaçait, Sègue-la-Panthère reprit sa peau, mais elle n’entra que sa patte gauche de derrière qu’elle retira prestement. La patte lui brûlait comme si elle l’avait mise dans un feu ardent. - Leuk ! Leuk ! ça brûle ! ma peau me brûle ! - Ce doit être l’eau de la rivière, dit Leuk. Toute la rive au niveau des villages d’en haut n’est plantée que de tabac. Laissons la peau dehors, l’eau de pluie va la rincer. Pendant que Panthère s’en retournait dans le trou. Leuk alla vite cacher la peau dans un fourré et revint s’enquérir : - Oncle Sègue, tu as déjà repris ta peau ? - Non pas, certes, répondit Panthère. - Elle n’est plus là. Il est tellement tombé d’eau, quelle a dû être entraînée à la rivière, expliqua Lièvre, et il prit le large. De bon matin, Leuk s’était posté au bord du marigot quand Nièye-l’Éléphant et sa tribu arrivèrent d’un pas pesant et encore ensommeillé pour s’abreuver. - Le Bon Dieu, dit Leuk d’un air attristé, le Bon Dieu défend de boire aujourd’hui au marigot. - Que faire ? demanda le vieillard au long nez et aux petits yeux. -Conseille-nous, Leuk, toi qui es l’aîné. - Nous allons monter implorer sa grâce, peut-être se laissera-il fléchir. - Et comment faire pour arriver jusqu’à lui ? Leuk appela M’Botte-le-Crapaud qui boitillait non loin de là et mère M’Bonatte-la-Tortue qui pointait le bout de son museau. Il renversa M’Bonatte sur le dos gluant de M’Botte et fit monter sur le ventre de mère Tortue le plus jeune de la tribu des éléphants : sur celui-là un plus âgé et, sur le dos de celui-ci, un autre, et ainsi de suite... Quand le vieux chef grimpa, atteignant presque le ciel, d’un coup de patte, Leuk poussa Tortue et ploum ! ploum ! dans un enchevêtrement de pattes, de trompes et de défenses, les éléphants tombèrent. Ils s’affairaient à ramasser les défenses cassées : - Ne perdez pas de temps à vous occuper de ça, leur dit Leuk. Vous ramasserez tout ça tout à l’heure. Le Bon Dieu vous donne l’autorisation de vous abreuver. Dépêchez-vous d’aller boire. Quand ils revinrent après avoir bu longuement et s’être aspergés à qui mieux mieux, il manquait les deux plus belles défenses. - Ne cherche pas, dit Leuk au propriétaire, c’est le Bon Dieu qui les a prises pour prix de sa mansuétude. Vers le milieu du jour, Leuk trouva, à l’ombre d’un tamarinier, Kouss-le-Lutin-barbu qui se reposait Près de son gourdin deux fois plus haut que lui et de son Keul, sa calebasse généreuse qui se remplit de tout ce qu’on lui demande. - Oncle Kouss, dit Leuk, pourquoi laisses-tu pousser tes cheveux et ta barbe ? Comme ça t’enlaidit ! - Je ne sais pas me raser et je n’ai pas de couteau, expliqua Kouss-le-Lutin-barbu. - J’en ai un excellent, dit Lièvre. Je vais te raser, oncle, si tu le veux bien. Et quand il eut fini : - Je vais jeter tout ça en m’en allant. Continue à te reposer, il fait si chaud au soleil. Et Leuk s’en alla, sautillant du derrière, la barbe et les cheveux de Kouss-le-Lutin dans son sachet. Gayndé-le-Lion était sur la rive du fleuve, regardant, d’un oeil courroucé et envieux à la fois, biches, antilopes et cobas qui folâtraient sur l’autre rive, broutaient, gambadaient, se roulaient, semblant le narguer. Leuk survint et lui demanda - Ne pourrais-tu attraper et punir comme il le mériterait aucun de ces enfants insolents, mon oncle ? - C’est que je ne veux pas du tout me mouiller la peau. - Retire-la, je resterai ici pour la garder. Tu reviendras la reprendre après la chasse. Lion se dépouilla et partit à la nage vers l’autre rive. Leuk s’empara de la peau et alla la cacher. Il revint, arrosa l’endroit où Gayndé l’avait déposée, fit une traînée jusqu’au fleuve avec son derrière qu’il avait trempé dans l’eau et puis cria de toutes ses forces : - Oncle Lion, oncle ! reviens vite ; l’eau emporte ta peau. Et il sauta dans l’eau. Quand Lion revint, il lui dit : - J’ai plongé, mais je n’ai rien trouvé. Il faut attendre que le fleuve baisse. Et il s’en alla, sautillant du derrière. Trois lunes ne s’étaient pas écoulées quand Leuk se présentait chez le roi avec la rançon demandée. - Comment a-t-il pu faire ? se demanda la suite du roi. - Comment as-tu fait pour avoir tout cela ? interrogea Bour. - Réunis tout le monde, et tu le sauras, répondit le Lièvre. Kouss-le-Lutin ne vint pas à la réunion, car, s’étant regardé dans l’eau endormie du marigot, il s’était trouvé si laid sans barbe et surtout sans cheveux sur son crâne qui lui semblait le derrière pelé de Gocloon-tlree-Singe. Il sut cependant par les hôtes de la brousse que sa colère Leuk ne le cédait en rien à celle de Nièye-l’Éléphant, de Sègue-la-Panthère et de Gayndé-le-Lion qui, eux, étaient venus à l’appel du roi. Tous avaient expliqué comment Lièvre les avaient bernés et dépouillés. - Ce Leuk quand même ! Ce Leuk alors !!! disait chacun. - C’est égal, fit Golo-le-Singe, que le courage n’a jamais étouffé, c’est égal, j’aime mieux être dans ma peau, même pelée derrière, que dans la sienne. - Il fera bien de ne pas trop s’aventurer en brousse d’ici quelque temps, conseilla un vieillard. Quand on songea à le chercher, Leuk était déjà loin, il était parti sans prendre congé. Sur un sentier perdu, il avait trouvé une peau de biche à moitié pelée, pleine de trous, rongée par les vers qui grouillaient comme des termites ; Leuk s’en affubla. Boitant bas, tête penchée, il rencontra Bouki-l’Hyène, qui s’apitoya - Ma pauvre Biche, que t’est-il donc arrivé ? - Hélas ! fit la fausse biche, je me suis disputé tout à l’heure au marigot avec Leuk-le-Lièvre. Il a étendu sa patte gauche vers moi en me disant : « Ce n’est que la patte gauche cette fois-ci, car je ne veux pas ta mort, mais il faut quand même que tu te souviennes de moi ! » Aussitôt et depuis, je suis comme tu me vois. Bouki a raconté la mésaventure de M’Bile-la-Biche à Golo-le-Singe. Golo a colporté l’histoire. Toute la brousse l’a su.Leuk est toujours libre et même un peu craint.
7-    Sira et le sorcier
Il était une fois dans la savane Ouest Africaine une belle fille. Elle s’appelait Sira. Sira était belle comme l’aurore. Elle avait les dents blanches on dirait du coton au soleil. Sira avait un cou droit, une poitrine bien dégagée. Les perles qu’elle portait autour de ses reins chantaient et louangeaient sa beauté et son charme. Bref Sira était tout ce qui peut évoquer chez un homme l’envie de la posséder, de l’épouser, de la garder jalousement au fond de sa case.
Quand Sira était enfant, elle avait un ami du nom de Bani. Bani et Sira avait grandi ensemble et étaient très proches. le village les appelait mari et femme s’était tissé une certaine connivence entre les deux familles. Elles s’assistaient mutuellement pour bonnes et aux mauvaises causes.
Les deux enfants s’étaient aimé et lorsqu’ils sont devenu grands tout le monde au village a compris le sens de leur amour a décidé de les marier. les nonces furent célébrées avec la bénédiction de tous les parents et dans la foie des amis. Mais, il y avait une seule personne qui n’avait pas pu contenir sa jalousie vis-à-vis de ce jeune et beau couple. Il s’agit du sorcier Tura. Tura était très fort dans l’art occulte. Il avait comme compagnon de tous les jours Satan en personne. La présence de ce compagnon de malheur se manifestait par les faits suivants : Tura était toujours survolé par le vautour à la couronne blanche. Il avait toujours les yeux rouges et ne dormait jamais le jour.
Lorsque les noces furent célébrées, Tura entra en action. Sira eu la nuit conjugale de terribles maux de tête. La deuxième nuit, les maux de tête persistaient ainsi que la troisième et la quatrième nuit. A la cinquième nuit, aux maux de tête virulents s’ajoutaient les maux de ventre que Sira sentir jusque dans le dos et dans ses hanches. Elle transpirait, criait, pleurait, souffrait. Sira fit appeler sa mère à qui elle tint ce langage :
- mère, peux-tu m’aider à trouver un remède à mes maux ?
- ma fille, je vais réunir tous les marabouts et sorcier de notre contrée. Si je dois y mettre toutes mes économies, je le ferai pour toi mon unique enfant chérie.
- maman, la famille de mon mari commence à perdre patience, je te prie de sauver mon amour et mon mariage.
- je le ferais, mon enfant, et s’il le faut , je sacrifierai ma personne pour lever ce malheur qui te frappe.
La mère de Sira réunit alors tous les marabouts et sacrifia la quasi totalité de son troupeau de bovins. L’opération ne fut couronnée d’aucun succès. Elle répéta quatre fois. Rien. Sira la fit appeler encore. Ses douleurs persistaient. Elle était devenue très maigre et avait perdu tout son charme à cause de la maladie. Ses belles soeurs avaient commencé, contre elle, une vaste campagne de délation. " Quelle est cette quenouille qui est toujours couchée sur un lit de mort ? "
Une semaine plus tard, la famille du marié envoya le griot en le chargeant de faire lever le mariage de Sira et Bani. Le mariage n’était pas consommé, la famille de Sira était tenue rembourser les frais essentiels prévus à cet effet. Sira fut emportée la même nuit, comme un bébé à califourchon, dans la case de la mère. Elles pleuraient toute la nuit ensemble. Sira jura alors d’épouser l’homme qui la guérira de ses maux. Sa mère lui dit :
-ma fille, j’ai dépensé toute ma fortune pour ton bonheur. Je le jure sur mes ancêtres que tu épouseras l’homme que tu aimes.
La nouvelle du divorce annoncée, Tura le sorcier se présenta très tôt le matin devant la case de la mère de Sira. On sentit sa présence à cause de son odeur nauséabond et du vol des vautours. Il rassura la mère et la fille de ses bonnes intentions de mariage et de la recherche du bonheur de Sira. La mère lui dit :
- Ma fille est malade, détruite et elle ne peux même pas se tenir debout.
- Ce n’est pas un problème, dit le sorcier, je le règle en trois jours sinon je quitte ce village et vous n’entendrez plus jamais parler de moi.
Sira qui entendait tout ce dialogue au fond de la case avait déjà pris sa décisions
- mère, j épouserai cet homme s’il me guérie.
La mère qui n’était pas d’accord du choix de l’autre accepta mais ne baisse pas les bras. Aussitôt que le sorcier a commencé le traitement la mère couru voir son frère et lui dit :
- Mon unique bébé doit épouser cet homme crapuleux. Je te prie de faire quelque chose.
- Ma soeur, dit l’oncle, que la volonté des ancêtres soit faite. Jamais notre famille n’a fait du mal à personne, que cela nous soit reconnu.
Sira fut guérit par le sorcier Tura qui annonça son mariage avec beaucoup publicités. Il se moquait de tous ces devins et autres chasseurs dont les efforts de conquête ont été vain.
Le jour du mariage arriva. on ne vit aucun vautour dans le ciel et il eut grande tornade qui chassa les convives. Le sorcier piqua une vive colère se retira au fond de sa case et dormit lorsqu’il se réveille, le soleil était au zénith. Il bondit de sa case, aucun vautour. Sira était là, assise entourée de quelques vieilles femmes qui survivaient grâce aux nombreuses cérémonies de mariage, baptême et funérailles. La nuit tombée, Tura se précipite au fond de la case pour consommer son mariage. Sira fut préparée et cela pour le sorcier. Lorsque la jeune épouse fut déposée dans son lit, il se précipita, se déshabillait et voulu tout de suite la consommer. Mais, il constata sur le champ qu’il n’avait rien entre les jambes. Il s’étonna, réactiva le feu qui éclairait la case. C’est ainsi que Sira se rendit compte que son mari, n’avait rien entre les jambes. Elle tenta de lui tenir des propos rassurant mais il ne voulait rien savoir. Il la traita de sorcière et jura de se venger. Sur le champ, il la répudia et quitta le village dans la même nuit.
Sira ainsi guérie épouse à nouveau Bani et ils eurent de beaux enfants.
8-    Pourquoi y a-t-il tant d’idiots de par le monde ?
Conte Peul
Autrefois, il y avait beaucoup moins d’idiots qu’aujourd’hui. Quand il s’en trouvait un quelque part, aussitôt on le chassait du village. Aujourd’hui, par contre, il faudrait chasser la moitié du village et encore, cela ne suffirait pas. Mais comment se fait-il qu’il y en ait tant ? Voici comment les choses se passèrent : Un jour, trois idiots qu’on avait chassés pour leur bêtise se retrouvèrent à une croisée de chemins et se dirent : " Peut-être arriverons-nous à quelque chose d’utile en réunissant l’intelligence de trois têtes stupides. Et ils poursuivirent leur chemin ensemble. Peu de temps après, ils arrivèrent devant une cabane d’où sortit un vieil homme. " Où allez-vous ? " demanda celui-ci. Les idiots haussèrent les épaules : " Là où nous porteront nos jambes. On nous a chassés de chez nous pour notre bêtise. " Le vieux répliqua : " Alors, entrez. Je vais vous mettre à l’épreuve. " Il avait trois filles tout aussi bêtes et se montrait donc compréhensif. Le lendemain, il demanda au premier idiot : " Va à la pêche ! " Et au deuxième : " Va dans les fourrés et tresse des cordes ! " Puis au troisième : " Et toi, apporte-moi des noix de coco ! " Les idiots prirent un carrelet, une hache et un bâton et se mirent en route. Le premier s’arrêta au bord d’une mare et se mit à pêcher. Quand son carrelet fut plein, il eut tout d’un coup soif. Il rejeta tout le poisson dans l’eau et rentra boire à la maison. Le vieux lui demanda : " Où sont les poissons ? " " Je les ai rejetés à l’eau. La soif m’a pris et j’ai dû vite rentrer pour me désaltérer. " Le vieux se fâcha : " Et tu ne pouvais pas boire à la mare ? " " Tiens, je n’y ai pas pensé. " Pendant ce temps, le second idiot avait tressé un tas de cordes et se préparait à rentrer. Il s’aperçut qu’il n’avait pas de corde pour les attacher. Alors, il courut en chercher à la maison. Et le vieil homme se fâcha encore : " Et pourquoi n’as-tu pas attaché ton tas avec l’une des cordes ? " " Tiens, je n’y ai pas pensé. " Le troisième idiot grimpa sur un cocotier et montra les noix de coco à son bâton : " Tu vas jeter par terre ces noix, compris ? " Il descendit et commença à lancer le bâton sur le cocotier, mais il ne fit tomber aucune noix. Lui aussi rentra à la maison bredouille et une fois de plus, le vieux se fâcha : " Puisque tu étais sur le cocotier, pourquoi n’as-tu pas cueilli les noix à la main ? " " Tiens, je n’y ai pas pensé. " Le vieux comprit qu’il n’arriverait à rien avec les trois sots. Il leur donna ses trois filles pour femmes et les chassa tous. Les idiots et leurs femmes construisirent une cabane et vécurent tant bien que mal. Ils eurent des enfants aussi bêtes qu’eux, les cabanes se multiplièrent et les idiots se répandirent dans le monde entier.
9-    Mourou la panthère et la chèvre
Les exploits sanguinaires de Mourou la panthère étaient devenus si populaires dans la brousse que le gibier se faisait rare. Le portrait du félin, son allure, ses habitudes étaient identifiés, communiqués aux oiseaux, aux reptiles, aux herbivores et aux rongeurs. Partout où le carnivore passait, tous fuyaient devant lui. Ainsi privée de nourriture, Mourou la panthère mourait lentement. Maigre, chancelante sur ses pattes affaiblies, elle décida un jour d’aller habiter le village de l’Homme.
Elle l’atteignit la nuit et fut accueillie par le chat qui veillait. Elle fut logée dans le creux d’un vieux tronc à proximité de l’enclos de la Chèvre. A l’aube, le chat vint saluer sa visiteuse chargée d’un plat de souris. Mourou avala ce plat avec dégoût. Durant les jours qui suivirent, elle eut à se contenter de plats de la même espèce, parfois de poulets ou de quartiers de viandes dérobées.
- Il me plaît mon neveu de connaître les mœurs de tes cohabitants, sollicita l’étrangère auprès de son hôte.
- L’Homme mon maître, enchaîna-t-il, est l’animal le plus rusé et le plus intelligent. Il marche sur deux pattes, possède un bâton qui tonne et foudroie de loin. Le Chien qui ressemble au Loup suit le maître sur ses traces et surveille le village. Il a des crocs puissants. Le Cheval aussi grand qu’un Zèbre sert de monture au maître. Il a des coups de sabot meurtriers. L’Ane, fort, trapu, sert de bête de trait. La Vache, apparentée au Buffle donne du lait. Le Porc, dodu, massif et agressif, à l’allure du sanglier lui donne sa chair. De tous, seule la Chèvre est inoffensive et accueillante.
Mourou se lécha les babines satisfaite.
- J’irais donc visiter la Chèvre. Elle y alla.
- Salut ! Paisible animal, fit-elle. Je viens solliciter ton hospitalité.
-Sois le bien venu dans ma maison, O gros chat répondit la chèvre. Tu vivras de mon lait.
La panthère et la Chèvre vécurent ensemble pendant des mois. Décidée à exécuter un odieux projet qu’elle mûrissait, Mourou demanda à partir.
- Avant de te quitter, scellons une amitié dans le mélange de sang, suggéra-t-elle à sa bienfaitrice. Je ferai une saignée à ton cou, une autre à l’une de mes pattes. Nous recueillerons le sang que nous mélangerons pour boire tous les deux. Par cette alliance, les tiens et les miens connaîtront la paix et l’entraide durant des siècles.
Sans méfiance, la Chèvre tendit le cou. D’un coup de mâchoire, la Panthère l’étrangla et l’emporta toute saignante. Depuis lors, Mourou la Panthère ne cesse de visiter la nuit les enclos à chèvres pour renouveler cette alliance.
10-                      L’homme, la femme et les animaux
Conte burkinabé
Un homme très riche habitait dans la brousse avec sa femme. Il possédait un bracelet que Wende lui avait donné, disant : " Conserve-le bien. Tant que tu l’auras , tu seras riche. " Un jour qu’il se disputa avec sa femme, celle-ci vola le bracelet et le cacha en haut d’une petite case élevée, étroite, solide et sans porte qu’elle construisit dans la brousse. Cependant, les biens du mari commencèrent à disparaître : ses troupeaux périrent, ses richesses se perdirent. Bref, il devint pauvre. L’homme charchait partout son bracelet, mais ne le retrouvait pas. Cependant, il rencontra un chien : " Que fais-tu là ? Dit le chien.
11-                      L’homme et les éléphants
Conte burkinabé
Jadis un homme fit un champ dans la brousse. Quand le mil fut mûr, tous les jours les éléphants venaient le manger et l’abîmer. L’homme ne sachant pas qui faisait cela résolut d’attendre un jour avec son sabre et de tuer qui viendrait. Il alla dans son champ et monta sur un arbre. Vers minuit deux éléphants survinrent. L’un dit : " Je sens quelque chose ici. " L’autre répondit : " Tu es un menteur, il n’y a rien. " Un moment après il sentit quelque chose et dit : " Ah oui ! C’est vrai ! Tu avais raison. " Ils regardèrent dans l’arbre et y virent l’homme. Ils l’attrapèrent donc avec leurs trompes et le descendirent. " Qu’est-ce que tu fais ici ?
12-                      L’homme et les animaux
Conte burkinabé
Autrefois l’homme habitait dans le même village que les grandes bêtes, l’éléphant, le lion, le léopard, le singe et il n’y était pas la maître. Ces qutre bêtes allaient à la chasse dans la brousse quotidiennement et en rapportaient à manger pour tous, mais l’homme, chaque fois qu’il allait à la chasse, ne rapportait rien ou pas grand chose. Un jour les animaux se réunirent et dirent à l’homme : " Tu n’attrapes jamais rien, tandis que nous tuons des bêtes. Si tu continues à ne rien rapporter, tu ne mangeras plus avec nous.

1 LAYA, Diouldé.-La tradition orale : problématique et méthodologie des sources de l'histoire africaine. Paris : UNESCO, 1972.-(Cultures africaines; 1). p 100
2 HIMA, Mariama.- L'éducation à travers le conte. In : Notre librairie: n° 107 (1991, oct-déc). pp 39.
3 HECKMANN, Hélène.-Petite histoire éditoriale. In:Kaïdara /Amadou H. Bâ.-Abidjan:NEI, 1994. p 92.

 les sources

 

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Que la paix soit sur vous

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